Passer de L’Évènement (Ernaux) à Emmanuelle (Arsan) ne relève pas tant du grand écart pour Audrey Diwan car on peut évidemment leur trouver quelques points communs mais il est tout de même surprenant de voir la réalisatrice s'attaquer à ce "monument" (c'est ironique) érotique du début de mandat de Giscard. Luxe, tristesse et volupté : le film est davantage un exercice intellectuel et quelque peu sentencieux qu'un hymne torride au plaisir, mais de cela on s'y attendait un peu. Mais pas à ce point, quand même, sans le décor quasi unique d'un palace de Hong Kong que cette chère Emmanuelle explore, tentant de chasser son spleen charnel, tout en exerçant son métier de contrôleuse de qualité; aussi passionnant qu'un jour de pluie sans connexion wifi. Œuvre sur papier glacé, Emmanuelle ne s'anime qu'au moment où le film délaisse, un peu tard, son univers ouaté pour les bas-fonds de Hong Kong. De fait, le personnage le plus intéressant du long-métrage n'est pas Emmanuelle, à la froideur étudiée, plus intimidante que sensuelle, mais le mystérieux Asiatique joué avec componction et élégance par Will Sharpe. Faute de tremblements de chair et de montées en température, il faudra se contenter d'un suave suspense qui s'interrompra d'ailleurs, avec une certaine brusquerie, en son dénouement.