Dans sa relecture contemporaine d’Emmanuelle, Audrey Diwan transporte le récit de la libération sexuelle dans un hôtel luxueux de Hong Kong. Entre les murs de marbres et à l'orée des gratte-ciels, le film ambitionne de redéfinir le désir à l’aune de l'évolution des pensées. Pourtant, cette ambition, si prometteuse en théorie, vacille sous le poids de l’élégance glacée des décors, figeant les personnages et les émotions dans un carcan de perfection, réduisant dès lors l'expérience sensorielle à une contemplation stérile.
L’érotisme, qui devait être le cœur battant de ce récit, s’égare dans un exercice dépourvu de la tension nécessaire à l'éveil des sens, où la tension n’existe que comme un concept. Les scènes se succèdent, les conversations sont trop appuyés et les regards ostensiblement lourds.
La transposition dans un contexte contemporain aurait pu ouvrir un dialogue fécond sur la sexualité moderne, mais le film échoue à dépasser les stéréotypes éculés du genre. Là où on aurait espéré une réflexion sur la fluidité des identités, la diversité des désirs ou les nouveaux rapports de pouvoir, Diwan semble figée dans une vision archaïque et hétéronormative. Le plaisir féminin, au lieu d’être exploré avec authenticité et audace, reste captif d’une mise en scène qui l’exotise et le rend presque décoratif. Ce qui aurait pu être une réinvention devient une relecture superficielle, enfermée dans des clichés qu’elle ne cherche jamais à déconstruire.
Le spectateur, invité à contempler plutôt qu’à ressentir, se heurte à une froideur émotionnelle qui brise l’immersion. Le désir, pour être palpable à l’écran, exige une tension progressive, un frisson qui traverse les regards et les gestes. Or, ici, cette montée n’advient jamais. Les personnages évoluent dans des sphères distantes, leurs interactions semblant davantage guidées par les impératifs narratifs que par une véritable alchimie.
En fin de compte, Emmanuelle, sous la caméra d'Audrey Diwan, devient une expérience froide et inaccessible, un film qui regarde le désir de loin, sans jamais le laisser vibrer à l'écran.