Je n'avais pas vu ce film depuis mon enfance lorsque je l'avais loué au vidéoclub du coin quelques temps après son exploitation en salle. J'en gardais un souvenir globalement positif mais néanmoins diffus et j'aurais été bien incapable d'en dire beaucoup à son sujet, c'est sa récente acquisition en DVD qui m'a poussé à le revoir plus de 35 ans après et à ne pas regretter de l'avoir fait, tant ce film est une immense réussite.


Dans le théâtre absurde de la guerre, l'innocence enfantine est mise à rude épreuve, questionnée, bouleversée, mais jamais totalement effacée, se dressant comme le dernier rempart à la folie des hommes et sans laquelle espoirs et renouveaux nous seraient à jamais inaccessibles. Thématique typiquement spielbergienne s'il en est, offrant à ce réalisateur dont le génie tient plus à sa capacité à traiter avec le même sérieux, la même diligence, ses œuvres dites de divertissement que celles se situant dans des registres plus graves, la possibilité de déployer des artifices de mises en scène impressionnants.


Le jeune James Graham vit la vie insouciante d'un enfant de la classe aisée et privilégiée que constitue celle des colons britanniques dans la concession internationale de Shangaï. Il y déploie son imaginaire débordant, marqué notamment par sa passion pour les avions, les modèles japonais particulièrement, qui viennent de porter un coup majeur à l'armée américaine à Pearl Harbour. Mais tandis que les bruits de la guerre étaient jusque là confinés au lointain et en tout cas externes à son environnement quotidien, la réalité va vite changer et l'avancée inexorable et implacable de l'armée japonaise va pousser le jeune Jim et sa famille a prendre le chemin de l'exode, durant lequel il en viendra à se retrouver séparer d'eux et se retrouver interner dans un camp de prisonniers de l'armée nippone. Il y nouera une relation d'interdépendance avec un certain Basie, figure qui tient autant du grand frère protecteur que de l'opportuniste à la morale fluctuante et s'arrangeant selon les circonstances pour tirer avantage de la situation.


Steven SPIELBERG pour narrer cette histoire va user avec la même dextérité et la même pertinence tant d'éléments de mises en scène qui appartiennent au grand spectacle, effets spéciaux grandioses, explosions, maquettes, grands angles, foules de figurants etc. que d'éléments plus intimes qui viennent comme des pauses et des instants de respiration. Si les premiers servent l'intrigue, son déroulement, sa chronologie, sa dramatique, les seconds se concentrent sur les relations entre les divers personnages, les antagonismes, les psychologies, les rapprochements improbables ou les trahisons et autres rapports humains en contextes si particuliers et difficiles. L'équilibre que parvient à atteindre le film entre sa veine spectaculaire et sa veine humaniste est fascinant, déjouant par exemple avec beaucoup d'intelligence le piège pourtant facile du film larmoyant, les émotions sont bien là, mais jamais on ne tombe dans le tire larmes vulgaire. Je viens par exemple de revoir A.I. Intelligence artificielle (2001) du même réalisateur que lui aussi je n'avais pas revu depuis la salle, mais dont la redécouverte m'a profondément agacé tant j'y ai vu un exercice larmoyant, mièvre et prenant trop le pas sur les thèmes du film.


Je vais cesser ici mon argumentaire et vous inviter avec passion à (re)découvrir cet immense proposition qui dans la filmographie de Spielberg n'est pas parmi ses plus grands succès mais sans doute parmi ses plus belles réussites.

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le 12 juil. 2023

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