Coulisse de l’Opéra, regard jeté depuis un oeilleton caché pour s’assurer de la bonne présence de la famille dans la salle, les violons s’accordent, les danseurs se préparent, régie, musique, rideau, début de La Bayadère, générique.
Après un Deux Moi plein de jeunesse qui parle de solitude et comme son nom l’indique, des individus seuls face à l’immensité des villes, le nouveau film de Klapisch s’attache à décrire, parfois de façon presque anatomique, les souffrances physiques qui marquent et transforment les corps.
Lorsque qu’Elise, une jeune danseuse de ballet classique au sommet de son art et de sa gloire se blesse, la chute l’entraîne jusqu’à la possible fin de la seule vie qu’elle a connu jusque là : la vie de la danse.
Confrontée à un père stoïque perdu, seul face à ses filles, au fantôme d’une mère et au médecin pessimiste qui lui prédit un avenir très incertain, la jeune danseuse se construit peu à peu en prenant un travaille d’assistante cuisinière dans une résidence d’artistes en Bretagne.
Ses rencontres vont la ramener vers l’inévitable mouvement des corps suivant les rythmes d’une musique plus moderne où la danse n’a plus pour cible la perfection aérienne du ballet mais la réalité humaine et sa fragilité transformée en force.
Les scènes de danses sont magnifiques sans être trop omniprésentes, entre la précision extrêmes du corps de ballet et le tourbillon entraînant de la danse contemporaine, pour produire un film feel good qui raconte d’une belle façon l’histoire d’une artiste qui doit passer à sa seconde vie sans en avoir finit avec sa première.
La réussite du film tient également à un casting formidable de personnages secondaires qui entourent la danseuse, et étant au choix : un peu allumés, artistes par procuration, et dépressifs attachants. Pio Marmaï, Souhaila Yacoub, François Civil, Denis Podalydès et Muriel Robin forment une galerie de personnages parfois en soutien, parfois en contre-point mais souvent d’un comique irresistible qui allège le drame d’Elise et a emporté plusieurs éclats de rire dans la salle où j’ai pu voir En Corps.
Mention spéciale pour ce générique incroyable et digne d'un James Bond, qui préfigure déjà l'opposition et l'union entre classique et moderne au coeur d'En Corps.
Un film sur la danse, sur la jeunesse et la liberté, un film drôle, un film sur la rencontre entre la ballerine et le sol, d’abord violente et dramatique, puis source d’une nouvelle façon de danser et de se créer une deuxième vie.