"En corps" est un film tonifiant, l’histoire du passage de la pratique classique à la contemporaine que le personnage principal, jeune femme danseuse étoile à l’Opéra de Paris, est amenée à vivre. La scène de pré-générique capte bien l’immensité incroyable des "coulisses" de l’Opéra Garnier, cet espace sur plusieurs niveaux, où les danseu-r-se-s s’échauffent, se font maquiller où attendent le lever de rideau, pendant que l’orchestre classique se met au diapason. La caméra épouse plusieurs angles de vue, les salles avant la scène et aussi la salle des techniciens où les halls où les incrustations d’écran dans les murs diffusent le spectacle. Un corps de ballet est intrinsèquement esthétique, photogénique, et Cédric Klapisch trouve toujours la bonne distance, l’angle juste pour filmer le groupe, jamais mieux montré que dans les plans de face. (les plans vus de haut n’apportent pas grand-chose). Chez les femmes de cette famille, la danse est une affaire transgénérationnelle. "Quand tu es une femme, tu es toujours obligée d’avoir un destin tragique" dit à un moment Élise, la personnage principale. Ce discours vaut également pour l’opéra ; de nombreux articles pointent la "défaite des femmes" dans l'opéra
Pour faire mentir cette fatalité, le film se place naturellement dans l’ère post #metoo, dialogues piquants de femmes d’aujourd’hui, refus des conventions machistes (l’étonnante séquence du shooting photo). Le film s’exprime par métaphores, qu’énoncent les personnages, et chaque situation amène à une conclusion posée comme un jalon. Le travail de danse contemporaine est minutieusement explicité. Voir un chorégraphe et sa troupe répéter et progresser est un spectacle passionnant. Bien sûr, tout le monde donne "sa leçon" à Élise, qui saura, en un temps record, reconstruire sa vie. Le choix d’associer danse contemporaine et lieux parisiens "contemporains" (le 104, le parc de la Villette) est judicieux ; ces deux lieux révélant tout leur potentiel esthétique et leur vastitude. Une jolie surprise :)