Cédric Klapisch est un cinéaste dont j'ai croisé la route (si je peux dire) à plusieurs reprises. Les sujets des quelques films que j'ai vus sont intéressants mais je ressors toujours de ses films avec un sentiment mitigé, du style "oui mais". Parfois, c'est un aspect démagogique (ou racoleur) qui me gêne, parfois, un sentimentalisme un peu excessif, … Ma petite expérience de Klapisch, c'est qu'il y a toujours des bons moments gâchés par d'autres qui cassent un peu l'ambiance et nuisent à mon adhésion.
"En corps" traite d'un genre de sujet qui m'intéresse toujours, à savoir la reconstruction d'un être humain. Ici, il s'agit d'une femme, danseuse classique victime d'un accident à la cheville en pleine représentation qui peut la condamner à abandonner de façon prématurée sa carrière et accessoirement, sa passion.
Ce que le film traduit très bien, c'est la période post accidentelle de flottement où la danseuse Élise essaie de se resituer entre ses autres collègues pas forcément toujours bienveillantes, sa peur d'être obligée d'abandonner son métier-passion et sa famille (son père et ses deux sœurs). Et puis, Klapisch met en scène les diverses rencontres qu'Élise va faire qui seront autant de jalons pour une remontée vers une guérison et surtout une réorientation de sa vie vers la danse contemporaine.
Certes, n'y connaissant rien, il ne m'appartient pas de commenter si la danse contemporaine est de nature à moins solliciter une cheville. À voir la mise en œuvre de la danse contemporaine, quand même très physique, j'ai quelques doutes mais je vais admettre car ce point n'est pas fondamental dans l'idée du film.
En revanche, ce qui est très intéressant, c'est le mélange des genres de danse. D'un côté, le ballet classique (La Bayadère) avec des moments ou des mouvements de grâce infinie. De l'autre, la danse contemporaine (Political Mother par le chorégraphe israélien Hofesh Shechter) à laquelle j'associe les exercices (virtuoses) de Hip-Hop. Pour employer l'expression utilisée par Élise qui en discute avec une ancienne collègue, danseuse classique, il s'agit d'une danse "proche du sol et du réel", de la vraie vie s'opposant à la légèreté, au caractère aérien et onirique de la danse classique. La danse contemporaine "plus tribale, plus animale". Deux aspects ou deux approches d'une même activité, d'une même expression corporelle, la danse.
Le premier quart d'heure du film qui commence par les coulisses et la représentation de la Bayadère est très réussi : le film est couvert par la musique du ballet, une photo aux tons rouges ou bleus puis le générique figeant les mouvements du ballet alors que la musique est résolument moderne (pop rock). Le premier mot n'est prononcé qu'à l'issue de ce quart d'heure, quand le drame est consommé …
Ensuite, on entre dans la vie d'Élise et ses relations avec les autres ; La mise en scène ou l'intérêt des dialogues ne sont pas forcément à la hauteur … Par exemple, la scène avec son père ou ses sœurs dans la maison à la campagne me parait trop schématique et aurait gagnée à être approfondie. Sauf à vouloir montrer que le père est un inadapté complet, ce qui ne présente pas beaucoup d'intérêt et surtout ne me semble pas être l'idée de Klapisch.
Spoiler : sans oublier la scène de photographie des danseuses qui me parait à la fois démagogique et inutile dans le contexte du film
Le casting nous réserve de belles surprises.
D'abord le rôle d'Élise, tenue par une danseuse Marion Barbeau, première danseuse de l'Opéra de Paris. Extraordinaire de naturel et très crédible dans son jeu.
Un personnage très intéressant et très convaincant est celui tenu par Muriel Robin (dont j'apprécie d'ordinaire relativement peu ses talents d'humoriste) ; elle joue un personnage marqué par la vie et qui va contribuer à aider Élise à sortir de l'ornière. Elle adopte ici le ton qu'il faut pour secouer salutairement la torpeur d'Élise … S'il me fallait définir un qualificatif pour le personnage, je pourrais dire "généreux
Denis Podalydès joue le rôle du père avec les réserves que j'ai indiquées plus haut.
Un couple d'acteur/actrice m'a bien plu en tant que seconds rôles et "gueules" de cinéma : Pio Marmaï et Souheila Yacoub dans des scènes assez jubilatoires.
Au final, j'ai bien aimé ce film de Cédric Klapisch sur l'itinéraire de reconstruction d'une danseuse classique blessée vers le monde différent de la danse contemporaine. Les larges extraits de danse ou d'entrainement laissent entrevoir ce monde un peu magique (pour moi !) de l'expression des corps à travers la danse qu'elle soit classique ou contemporaine.