Le film part donc d’une opposition entre deux frères, l’un incarnant la grande musique, l’autre le flonflon populaire, et cette opposition frôle d’emblée le passage en force.
Et pourtant, le film tient, par son goût immodéré des personnages et une direction d’acteurs qui se repère à la musique des dialogues très bien écrits.
Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin se livrent ainsi à une friction d’accents, l’un parisien, l’autre gouailleur, friction qui fait entendre à quel point le parler bourgeois n’est pas neutre non plus.
Autour d’eux une multiplicité de seconds rôles très réussis, ici les mères adoptives, là la petite communauté hirsute de la fanfare (formidable Sarah Suco en mère célibataire), qui forment une image crédible du peuple sur fond de désindustrialisation régionale.
Emmanuel Courcol et sa coscénariste font preuve d’un vrai talent narratif en accordant de la place à chacun des personnages, même brossé en quelques traits.
Si l’écriture est de celles qui annoncent toujours la couleur, ne faisant aucun mystère de ses intentions, elle sait aussi naviguer entre les registres, sur la fine crête qui sépare la comédie du drame. Où le film intéresse, c’est par la petite mélodie sociale qu’elle esquisse en rapprochant ces deux frères pourtant issus de deux mondes diamétralement différents.
Même avec des ficelles évidentes, le film souligne que les goûts culturels et les pratiques artistiques sont fonction d’une certaine distribution sociale. Le réalisateur ne cherchera pas de nous faire croire que ces déterminations peuvent s’effacer, même momentanément, pour laisser place à la communion de l’élite et du peuple dans la musique. Il se refuse à cette facilité
avec un scénario intelligent.
"En fanfare" prouve qu’il existe au cinéma une place pour de telles ambitions populaires, et c'est plutôt réconfortant.