Je ne suis pas un spécialiste en Pierre Salvadori et je n'ai pas vu tous ses films. Mais d'après le peu que j'ai vu de lui, je pense qu'il est très bon quand il s'assume d'une façon complète dans la comédie. Ce qui fait que pour moi, ses deux meilleurs films sont Cible émouvante et celui qui est critiqué ici.
Oui, parce que dans ses autres œuvres, enfin du moins celles que j'ai vues, il s'est essayé à un truc très délicat, que très peu de cinéastes sont parvenus à réussir, à savoir le mélange des genres.
En effet, Salvadori a essayé de mêler la comédie et le drame. Problème, il a commis deux grossières erreurs à chaque fois, ayant pour conséquence que les moments excellents ne font qu'apparaître sporadiquement dans un ensemble très bancal (et parfois ennuyeux !). La première, c'est qu'il a cru qu'il devait tout le temps ralentir brutalement le rythme lorsqu'il passait en mode dramatique. La seconde, c'est qu'il alternait la comédie la plus débridée avec le drame le plus intense, ne semblant pas savoir que l'on peut trouver un juste-milieu entre les deux.
Mais pour en venir enfin à En liberté !, c'est réussi, ça se regarde avec grand plaisir jusqu'à la fin. Parce qu'il n'y a pas de drame ? Ben si, le scénario est dramatique. C'est horrible ce qui est arrivé au personnage de Pio Marmaï et le cas de conscience de celui d'Adèle Haenel est insoutenable quand on y réfléchit bien. Cela aurait pu être le contenu d'un film 100 % dramatique. Sauf que c'est entièrement traité comme une comédie, aucune pause pour laisser le drame s'installer. Le but, c'est de faire rire, pas de faire pleurer.
Ainsi, le désespoir de la protagoniste, après avoir appris que le mari qu'elle prenait pour un héros était en fait un ripou, se traduit par des délires racontés à son fils où la figure sacrée du défunt est de plus en plus ridiculisée. Le traumatisme du protagoniste, s'exprimant par un comportement bordeline, est un prétexte pour une succession de scènes burlesques.
Quant au rythme, les moments de tendresse, symbolisés par l'épouse dévouée interprétée par Audrey Tautou, sont incorporés au délire ambiant, pour donner un contraste de normalité par rapport à des personnages semblant évadés d'un asile d'aliénés, appuyant encore plus sur la débilité des situations. Ce qui fait qu'il n'y a aucun ralentissement dans le déroulement.
J'aimerais, avant de conclure, dire qu'Adèle Haenel m'a bluffé. Je ne pensais pas du tout la voir aussi à l'aise dans le registre de la comédie extrême. Elle est à mourir de rire. Elle tire son épingle du jeu. C'est vraiment une grande actrice.
Pour Pierre Salvadori, j'espère en voir plus souvent des comme ça. C'est là qu'il est au sommet.