« De tous mes films, Les Dents de la Mer a été le plus difficile à faire. J’ai passé neuf mois sur l’océan et on peut pas rester sur l’eau si longtemps sans perdre la tête et regarder ses acteurs la perdre aussi. Je me suis alors dit que si faire un film était à ce point difficile, je n’en ferai pas d’autres. Heureusement, les autres ont été plus simples à tourner » (Steven Spielberg, interviewé pour Hidustan Times).
On comprend donc aisément en lisant les propos du réalisateur d’Indiana Jones pourquoi on voit si peu de films de bateaux à l’écran. Il est plus évident de filmer un avion (avec de vrais plans aériens et du studio) ou un train en pleine nature. Mais quand il faut être littéralement entouré d’eau, on imagine la galère que ça peut être.

Rien que pour cela, on ne peut qu’applaudir la prouesse technique réalisée par Christophe Offenstein qui a fait le pari de livrer un film tourné dans des conditions réelles. Les images, incroyables, ont demandé une préparation particulière que ça soit en amont ou pendant les semaines en haute mer. Difficile en effet de suivre un vrai planning de tournage. Il faut s’adapter quotidiennement aux conditions climatiques, prendre les images en fonction et faire en sorte que tout l’ensemble soit parfaitement raccord pour que le spectateur ne s’aperçoive de rien. Il faut aussi planquer les différents participants au tournage puisque toute l’équipe cohabite sur le bateau, acheté au navigateur Marc Thiercelin et qui avait fait le Vendée Globe.

C’est justement de cette course autour du monde qu’il est question dans l’histoire. François Cluzet est Yann Kermadec, navigateur breton qui rappelle un peu le célèbre Olivier de Kersauson. Il embarque pour une course autour du monde, remplaçant au pied levé le navigateur prévu, qui s’est cassé la jambe. Arrivé à hauteur des Canaries, il doit s’arrêter pour réparer. C’est là que monte à bord un jeune passager clandestin, qu’il ne découvrira que plusieurs jours plus tard en plein océan Atlantique. C’est évidemment totalement à l’encontre du règlement d’une course se voulant en solitaire et, tout motivé à gagner qu’il est, il va devoir prendre une décision quand au sort du jeune Mauritanien espérant rejoindre la France.

Il faut vraiment saluer les magnifiques images ramenées par Offenstein et ses équipes dont l’excellent Guillaume Schiffman (directeur de la photo sur The Artist). Les séquences en mer sont de toute beauté, qu’on aime ou pas le bateau. Cluzet en navigateur y est exceptionnel, totalement possédé par un rôle qui lui va comme un gant. Il livre une performance incroyable, comme souvent, et devrait être nommé à la statuette compressée en 2014. C’est d’autant moins évident qu’il a probablement dû se plonger dans le rôle au pied levé, étant lui aussi dépendant de la mer et de la météo. On n’a donc pas souvent l’occasion de voir en France un film aussi couillu.
Mais on regrettera quand même que Christophe Offenstein n’ait pas osé livré un film se déroulant entièrement en mer et se focalisant sur la course. Les scènes de Cluzet dans son bateau sont entrecoupées de retour à la terre où l’on découvre tout un monde suivant la course, de la fille qui manque à son père et qui l’appelle sur Skype depuis l’école en passant par le PC où des commentateurs y vont de leur théorie devant les caméras de télévision en passant par la copine qui aimerait bien qu’il rentre (Virginie Efira, délicieuse). Le rythme est coupé et si les premières scènes sont sympathiques, le gimmick va vite devenir lassant.
De la même manière, l’arrivée du gamin clandestin n’est qu’une manière de trouver des péripéties et d’ajouter un peu de bonne morale bien française à l’histoire. On se doute qu’il ne devait pas être évident d’ajouter des aventures marines vu les conditions de tournage (il aurait sans doute fallu filmer des scènes dans une vraie tempête ou simuler des accidents) mais même sans cela les aventures de Kermadec se seraient bien suivies et l’impression de l’accompagner en solitaire n’en aurait été que plus forte.

Néanmoins, on ne pas bouder pour autant notre plaisir, les productions françaises aussi audacieuses étant quand même bien rares. Techniquement au top (c’est le premier film français mixé en son Atmos), En Solitaire ne pêche que par sa volonté d’ajouter du drame à un film qui n’en avait pas forcément besoin. A voir dans tous les cas pour les très belles images et pour François Cluzet.
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le 16 oct. 2013

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