Le viel homme-sandwich et la mer
J'espérais voir un film sérieux sur le Vendée Globe, un homme seul affrontant les éléments pendant 70 jours. Sauf que la production a jugé probablement chiante l'idée de faire un film à la Hemingway où on voit les doutes d'un homme seul au milieu des flots. Elle décide alors de faire entrer dans le film un clandestin ronchon et une batterie d'appareils de télécommunications qui vont faire du DCNS 1000 un refuge et un centre d'appel où la VHF, Skype et le téléphone satellite sonnent sans cesse pour interrompre le peu de solitude qui pouvait rester à ce pauvre Yann. Même la maitresse de la classe de CP de sa fille passe un coup de fil à l'improviste pour demander la météo au skipper.
Au départ, il y avait une envie de filmer la beauté de la course en solitaire la plus démente qui existe. On retrouve des traces de ce beau projet dans les images magnifiques de l'océan déchainé et du combat permanent du skipper contre la dérive. Il y aussi des moments intéressants sur la gestion du sommeil dans un navire chaotique, la surveillance permanente des instruments ou le secours à un concurrent en détresse. Un peu de gestion d'espace et des rations à la Interstellar. Et aussi l'alternance du spleen et de l'euphorie qui caractérise l'homme solitaire dans sa quête folle. Le tout joué par un François Cluzet pas bavard, entièrement dédié à sa course en solitaire. Voilà assez pour cliquer sur 6 étoiles jaunes.
Mais pour profiter de cette moitié de film magnifique, il faut supporter la traversée en solitaire d'un téléfilm du mardi soir sur TF1. Ça commence par une histoire de famille inutile où Yann se tape Virgine Efira, la sœur de son pote, Guillaume Cannet, le skipper qui devait conduire le bateau mais doit abandonner à cause d'un accident de moto (probablement du au souvenir de la médiocrité des Petits Mouchoirs). Ça continue avec sa petite fille qui n'aime plus personne parce que son père est en mer pendant 3 mois, tout fout le camp dans les familles de marin. Et puis après on vous met un clandestin à bord dont les dialogues ont probablement été emprunté à Julie Lescaux : il est malade mais il pense qu'il est maudit et il en a marre d'être en mer, quitte à se jeter devant le premier navire marchant croisé, voilà pour sa prestation. Yann passe 70 jours avec un marocain désespéré qui ne dit rien, si son chien était rentré dans le bateau par inadvertance, le scénario aurait été le même. Et enfin, pour finir, vous devrez subir une inception de haut niveau avec un logo DCNS à chaque plan. Ce n'est plus du placement de produits à ce niveau là, c'est du placement d'acteurs dans le produit. Merci à vous de filer un bateau mais vous auriez pu la jouer plus discret du côté du service comm corporate trop habitué au publirédactionnel.
Un jour, le cinéma français visera des marchés internationaux. En partant d'une bonne idée, il ira chercher des financements à la hauteur de ses ambitions et évitera de dire oui à toutes les demandes des entreprises et des chaines de télé qui le financent. François Cluzet a assez de talent pour qu'on le laisse vraiment en solitaire loin des niaiseries des terriens.