Auréolé d'un beau succès chez les amerloques, le film est sorti chez nous un peu à l'improviste, de manière discrète entre Twilight 5, Le Capital et La Chasse. Dommage car le film a vraiment de sérieux atouts pour attirer le spectateur en salle. Il faut dire que le film policier est devenu un peu plus rare ces derniers temps, au point que je me rende compte que mon dernier bon policier, c'était Les Infiltrés de Scorsese. Et pourtant, avec End of Watch, on retrouve un habitué du genre en la personne de David Ayer, réalisateur de Bad Times et Au bout de la Nuit, mais surtout à l'origine de Training Day et Fast and Furious. Autant dire que le bonhomme a de la bouteille même si il n'a jamais été vraiment considéré comme un bon réalisateur, mais plutôt comme un bon faiseur.
Je ne sais pas si l'on peut appeler ça de l'originalité (certains documentaires et émissions TV américaines ont déjà utilisé cette recette), mais la mise en scène est le gros point fort du film. Tourné comme un faux-documentaire, façon caméra amateur pour être le plus immersif possible, l'action prend un autre sens et on se retrouve sous les tirs mais aussi au premier plan avec ces quelques séquences où on se croirait dans un FPS. D'où l'aspect très vidéoludique que je lui trouve. Certains lui reprocheront de perdre une certaine logique dans les séquences tournées, je m'explique : Dès le début du film, on nous fait comprendre que le personnage de Taylor (Jake G.) tourne des vidéos pour un court-métrage d'étude. Mais au bout de quelques instants, l'angle de vue montre clairement que ce n'est ni lui, ni son partenaire qui tourne ces séquences, mais une tierce personne, façon cameraman documentaire ou lorsqu'à un moment ce sont les membres d'un gang qui se filment. Personnellement, ça permet d'osciller entre la subjectivité et l'objectivité de la situation. En tout cas, d'un point de vue immersif, c'est réussi. Du bon found-footage. On s'y croit vraiment, le rythme est au plus fort et la tension est plus que tendu. A chaque fusillade, une sensation de convulsion nous parcourt le corps tellement on s'est attaché à ces personnages. Et puis comme les gamins, on veut que les gentils gagnent.
Car l'autre point fort du film, c'est véritablement le travail sur la psychologie des personnages. On y trouve certes des clichés dans la police, mais c'est pour mieux faire ressortir les différences socioculturelles des membres de la police. Mais là, où notre attention se focalise, c'est véritablement sur cette relation qui mue nos deux personnages principaux. Ça transpire l'amitié à l'écran. On voit qu'ils sont prêts à donner la vie l'un pour l'autre. Ces petits moments de calme entre deux interventions permettent de s'attacher à eux et de faire partie de leur quotidien personnel, de rentrer dans leur intimité, de partager leurs fous rires. C'est puéril sans jamais être complètement débile, et c'est ça qui fait plaisir à voir entre deux potes. C'est aussi intéressant de partager leur vie de couple, car la femme a certainement le rôle psychologique le plus dur du couple. Au-delà de l'angoisse de perdre un mari, de s'occuper des enfants, c'est l'angoisse de voir un mari rentré tiraillé par les horreurs qu'il a vu dans la journée.
Car, le rythme effréné du film s'attache aussi à nous montrer que tout n'est pas que contravention et Bang Bang. Preuve en est cette séquence où nos deux compères investissent un lieu et découvrent deux enfants attachés dans une armoire, ou des dizaines d'individus dans une pièce ou encore des cadavres décapités dans un repère de gang. Tout ça montre bien le quotidien de ces deux grands malades qui vivent pour leurs citoyens et pour ce rythme assez malsain.
====>(cette prochaine partie va spoiler)<====
Malheureusement, le film ne donne pas les moyens d'éviter la facilité, la gloire à l'américanisme et ses soldats, les clichés et les incohérences dans sa dernière partie. Exemple : Nos deux acolytes se rendent dans une cour de bâtiment et se font mitrailler à l'AK-47, mais seule une balle atteint la main de Taylor, alors qu'il était à découvert, pire qu'un éléphant dans un couloir. Ou bien, cette fin qui fera rager les gens sensés, ceux avec qui faut pas déconner avec la logique et la crédibilité, où nos frères d'armes se font mitrailler dans une véritable forme d’exécution. Mais David Ayer fait l'erreur de ne pas aller jusqu'au bout de cette idée. Dommage car on a cette désagréable impression que le film veut plaire à au spectateur lambda qui vient pour voir un film percutant sans pour autant qu'on l'achève avec une exécution (et puis vous imaginez, tuer Jake Gyllenhaal, l'housewife et la teenager ne s'en remettraient pas.
Qu'à cela ne tienne, End of Watch est un film suffisamment choc dressant un portrait intense de la police d'aujourd'hui, des préoccupations, de la paperasse, de l'intimité familiale et de la fraternité qui unit ses membres malgré les différences et divergences. On lui pardonnera certains défauts pour garder le souvenir d'un film prenant où David Ayer confirme son statut de bon faiseur. Assurément le Film coup de poing de cette fin d'année !