Enfermé à triple tour dans mon appartement de banlieue, acculé sur le canapé marron siégeant face au petit écran pas encore géant, me voici face à Enfermés dehors. En fait, c’était il y a une semaine. Et le film est déjà quasiment oublié… Ce n’est pas bon signe. Faut que je fasse la critique maintenant. Car je ne serais pas aussi laudateur que ce que j’ai pu lire à droite et à gauche.
Tout d’abord, et ce n’est pas rien, je n’ai vu Bernie ni Le Créateur ; je ne connais pas bien Albert Dupontel si ce n’est ses sketches entendus, notamment sur le bac, ou son interprétation magistrale d’un sergent français durant la guerre d’Algérie (dans Ennemi intime de Florent Emilio Siri). Autant dire que je ne savais pas trop ce que j’allais voir.
Et déconcerté je fus d’emblée, par une entrée en matière déjantée à laquelle, point du tout préparé je n’étais, pour tout dire. Beaucoup de mal à entrer dans le film : c’est ça, j’étais Enfermé dehors (j’ai vu le film seul, pourquoi le pluriel, alors que c’est plutôt singulier ?). Enfermé en dehors d’un film dans lequel il n’était pas facile de pénétrer. Etonnant, comme concept. Mais c’était manifestement une fausse route. Pourquoi chercher loin alors qu’il n’est question dans le film que de clochards enfermés dehors, et pas dedans !
Alors que ça devrait être le scénariste, qui devrait être enfermé ! Avec son histoire à la mords-moi-le-nœud, un scénar mal ficelé, beaucoup trop improbable, même si c’est manifestement volontaire. Le réalisateur aurait ses chances aussi, même si j’ai apprécié son boulot : une réalisation moderne et épileptique, avec des plans intéressants, des lumières et des effets sympas, des zooms, des accélérés, des cadrages originaux. Techniquement, c’est bien, j’ai vraiment bien aimé. En plus, la BO est très sympa. Et le film apporte son lot de surprises, de bonnes idées comme la simulation d’un commissariat dans le squat, ou les personnages qui sortent des panneaux publicitaires ; il y a un côté burlesque et absurde qui n’est pas sans intérêt. Et les dialogues aussi ne sont pas trop mal, certains font mouche :
« - Tu veux de l’eau ?
- Non, j’en ai déjà bu l’année dernière » (je la retiens celle-là, même si dit comme ça, ça ne le fait pas trop)
Mais beaucoup d’acteurs surjouent (à part la fille), et même Dupontel en fait trop, il est très bien dans la gestuelle et les cascades, mais il en fait trop sur le plan du langage, il est trop caricatural quand il parle, je trouve ça presque désobligeant pour ceux qui ne parlent pas très bien. On peut être clochard et savoir parler, être à la fois pouilleux et cultivé ! Dupontel n’était pas obligé de s’enfermer dans les clichés.
Du coup, je m’interroge : quel est le but de ce film ? Faire rire ? Je dois dire que ça n’a pas trop marché sur moi, j’ai souri bien sûr, mais de là à trouver ça hilarant… Parler des paumés ? C’est raté aussi car je trouve que c’est un peu méprisant, on pourrait avoir l’impression qu’on se fout un peu de la gueule des gens simples, même s’il y a aussi un peu de tendresse, même si ça semble involontaire. En tout cas, même si l’on dénonce aussi les capitalistes, il me semble pour le moins exagéré de parler de satire sociale comme le font certains, on est beaucoup trop dans la caricature, le film n’a pas cette prétention, je pense au moins qu’on peut lui reconnaître cela.
Bref, des idées intéressantes gâchées par un scenario vraiment pas à la hauteur. Un film auquel je n’ai pas adhéré. Moi aussi, j’ai été enfermé dehors…