Sur le champ d'une quelconque bataille du XVIIème siècle en Angleterre, quatre déserteurs en manque de bière se joignent les uns aux autres à la recherche d'une taverne. Sur leur parcours, entre deux bols de soupe hallucinogène, une rencontre avec un cinquième compagnon orientera leur virée vers une chasse au trésor délirante, malsaine et démoniaque...
A la fois punk et psychédélique, "A Field In England" est un trip cinématographique de genres déglingués où s'emmêlent la reconstitution historique, le fantastique horrifique, le drame, la comédie...De ce maelstrom surgit un casting constitué de personnages crades, suintants et vulgaires aux tronches velues et burinées comme les western spaghetti d'antan en proposaient.
Ben Wheatley délivre une vision dégueulasse mais vraisemblablement réaliste du niveau auquel s'élevaient la délicatesse, l'intelligence et l'hygiène en cette période. On est délibérément aux antipodes des clichés polis de combattants chevaleresques aux gueules d'ange, poudrées, mis sur leur 31, précieux et distingués.
Ici point de maniérisme et de dandy ! Quand un petit doigt est en l'air c'est pour être tranché et dépouillé de sa bagouze ! Les insultes ricochent dans tous les sens, on se crache à la gueule, on chie impunément au milieu d'orties et on se torche avec le glamour.
Le vil quatuor est composé d'un viril guerrier à la verge vérolée (les plus attentifs apprécieront la véracité de la chose sur un membre purulent lors d'un plan...couillu !) ; un touchant neuneu ; un fourbe violent et un savant pleutre mais mystique. Pour qui affectionne les salopards au cinéma, cette brochette d'enfoirés est irréprochable de charisme et leur cruauté rivalise de bestialité.
Un humour graveleux et scatophile perfore le film parmi des éclats de violence empruntant au gore avec notamment, un headshot explosif ou une jambe déchirée jusqu'à l'os. Cette violence dite esthétique peut se revendiquer comme une cousine de celle prônée par Nicolas Winding Refn pour "Valhalla Rising". Néanmoins, contrairement au danois, Ben Wheatley est moins contemplatif et préfère des personnages bavards. Sans complexes, il nourrit d'anachroniques "fuck" la plupart de leurs répliques gratifiant "A Field In England" d'une patine moderne qui accentue la frange jouissivement bad-ass de ses persos.
Wheatley a peaufiné sa péloche par une réalisation résolument artistique à renforts de plans léchés et audacieux (de faux arrêts sur image façon "1-2-3 soleil", des ralentis ultra-lents, une séquence au montage épileptique et psychédélique...)
À l'instar de "C'est Arrivé Près De Chez Vous", l'emploi du noir & blanc favorise un contexte crasse et glauque durant 90 minutes. Grâce à cette teinte et malgré l'étendue infinie des champs parcourus par la troupe, une sensation de claustrophobie ronge sournoisement le spectateur.
"A Field In England" aux effluves d'anarchie en U.K, jouit donc d'une réalisation admirable grâce à une indéniable signature artistique et le soutien d'un scénario mystérieux riche en rebondissements.
Dans un dernier élan audacieux, maladroit ou paresseux mais néanmoins propice au débat, Wheatley a choisi de conclure son œuvre par une fin frustrante et aussi outrageante qu'un majeur tendu !