Tableaux d'une exposition
Noir et blanc.
Le parti pris est esthétique.
Le cinéaste, par ce choix audacieux bien que de plus en plus courant, s’affirme en tant qu’amoureux de la lumière, adepte des nuances.
La couleur, vulgaire, criarde, est bannie. Pour que s’exprime l’essentiel, pour parfaire la quête du beau cinématographique.
Mais cette décision implique bien plus.
Le noir et blanc est prétentieux. Il crache au visage du spectateur, avant toute tentative de mise en place. Il affirme la capacité du réalisateur à convaincre sans s’embarrasser de couleur. Tel un soldat se débarrassant de son arme, convaincu de sa supériorité.
Le ton est donné, ici, on se prend au sérieux.
Pourtant, le second degré règne en maître. Déstabilisant.
Volontiers crus, toujours décalés, parfois désopilants, les textes sont soignés. Leur apparente légèreté contraste étrangement avec le sérieux de la mise en scène.
Déclamés avec emphase par une troupe d’acteurs convaincants à défaut d’être inoubliables, ils sont pour beaucoup dans le malaise qui s’empare rapidement du spectateur.
Théâtral.
Unité de lieu, de temps, le parallèle est évident. Les fondus au noir réguliers, semblant découper le film en actes, viennent appuyer cette impression. Les poses sur-jouées des acteurs la confirment.
Ces premières conclusions laissent entrevoir un film particulièrement ambitieux. La réalisation devra conséquemment briller, subjuguer.
C’est là que le bât blesse.
Bien vite, s’installe la certitude d’avoir devant soi un cinéaste occupé à se regarder filmer. A l’image de ce roi de pacotille et de son miroir prétendument magique.
Dans sa recherche de l’esthétisme absolu, Ben Wheatley a oublié de donner un rythme à son film, de lui fournir un véritable fil conducteur. Chaque plan semble succéder sans cohérence particulière au précédent, animé du seul but d’être le plus beau possible.
Parfois, j’oserai même souvent, Wheatley fait mouche. Il ne reste alors qu’à s’incliner devant la divine maîtrise de la caméra, l’audace du cadrage, l’emploi pertinent de la lumière.
Parfois, il effleure son objectif mais le manque. Quelques slow-motions foireux sont là pour en témoigner.
Parfois encore, il passe à côté. La scène des champignons en est, à ce titre, le parfait exemple. A vouloir trop en faire, le réalisateur oublie que simplicité est souvent gage de qualité. Wheatley se laisse emporter par son ego et livre une scène indigeste, surfaite et parfaitement dispensable.
Un aspect fondamental tire son épingle du jeu.
Le son.
L’ambiance sonore est parfaite, calibrée. Elle représente à elle seule une expérience sensorielle unique. Certaines scènes sont ainsi transcendées par le travail minutieux et innovant sur le ressenti auditif.
Loin d’être un échec absolu, ce film laisse cependant un souvenir en demi-teinte. Les idées sont là. L’originalité et l’art du second degré n’ont pas été oubliés. Mais la désagréable impression d’assister à l’équivalent cinématographique d’une exposition artistique domine.
Ben Wheatley présente ses dernières toiles et les expose sur pellicule.