Scorcese & De Niro, Kurosawa & Mifune, Burton & Depp… Nombreux sont les célèbres duos de réalisateurs & acteurs qui ont profondément marqué le cinéma, et parfois exercé une certaine fascination de par l’amitié (mais aussi les brouilles) sous-jacente. S’il on devait choisir le plus explosif d’entre eux, ce serait évidemment la collaboration entre Werner Herzog et Klaus Kinski. Le réalisateur a offert des rôles surréalistes en or à l’acteur. L’acteur a livré des prestations hallucinées (et souvent hallucinantes) qui ont considérablement servi à l’aura et l’ambiance de ces films. Une association aussi complémentaire… que terriblement malsaine.
8 ans après la mort de Kinski, Werner Herzog réalise ce documentaire qui revient sur leur relation. A mi-chemin entre la biographie et le making-of, Herzog explore les lieux de tournages, interroge des témoins, et raconte calmement des anecdotes incroyables sur Klaus Kinski. Evidemment, l’objectivité est mise au placard, Herzog étant totalement libre de donner sa version des faits. Aussi, la réalité est sans doute plus ambigüe que ce qu’il nous livre. Il est amusant à ce niveau de regarder des interviews de Kinski (non présentes dans ce documentaire), où il donne une autre version de certaines anecdotes. Mais l’acteur, célèbre pour son grand talent mais surtout son tempérament enflammé, son imprévisibilité, et ses innombrables pétages de plomb, exerce une réelle fascination sur le spectateur, et implique des questions.
Pourquoi et comment un homme était-il capable de telles crises de nerfs ? Son talent relève-t-il du génie ou de la folie ? Comment pouvait-il être adorable avec certaines partenaires de jeu, et terriblement infecte avec d’autres ? Comment un réalisateur a-t-il pu canaliser cette énergie et ce tempérament ? Herzog apporte une partie des réponses, tout en avouant à demi-mot qu’il a contribué à alimenter ce phénomène quand cela servait ses films. Et même s’il ne le dit pas, on comprend que derrière les conditions de tournage pas vraiment sécuritaire, se cachait aussi une ambition folle de la part du réalisateur.
« Mein Liebster Feind » est donc un documentaire qui traite autant d’une histoire amitié haineuse, que de cinéma. Et devant les questions artistiques qui sont traitées, la narration posée (voire cynique ?) du réalisateur et les anecdotes racontées sont tellement improbables qu’elles entraînent le spectateur sans mal.