Enter the Void par Gaylord G
Sous le flash des néons de Tokyo, Oscar, jeune junky, survit grâce à de petits deals. En quête de la drogue parfaite et du trip ultime, il repousse sans cesse les limites et ferme les yeux sur les conseils de ses proches. Une seule histoire semble l’intéresser. Tirée du Livre des Morts Tibétain, elle raconte ce qu’il y a après la mort. Une projection astrale, où le corps et l’esprit se sépare laissant le défunt, tel un fantôme, survolé sa vie jusqu’à sa réincarnation. Une histoire qu’il aura, après un deal qui a mal tourné, tout le temps de vérifier.
Oscar revoit donc sa vie d’un bout à l’autre et le spectateur peut alors comprendre le cheminement vers cette mort prématurée. Mais le voyage entrepris n’aura cependant rien de joyeux. Plus qu’une descente en enfers, Gaspar Noé propose ici de vivre un véritable bad-trip. Pour cela, il casse les codes narratifs habituels en découpant son film à outrance en d’innombrables parties, telles les minuscules pièces mélangées d’un puzzle interminable. Chacun de ces bouts de vie est vue à travers les yeux d’Oscar. De son vivant et même après sa mort, il est omniprésent, observant et navigant entre les évènements qui l’on créé et ceux qu’il a malgré lui déclenché. Cependant, une fois le puzzle terminé, on s’aperçoit avec désarroi qu’il n’avait pourtant rien de compliqué. Seuls les effets psychotique de la drogue, alors parfaitement retranscrit, nous ont dupés.
Pour relier les pièces de son puzzle, Gaspar Noé monte son film tel un seul plan séquence. Il use alors d’artifices ingénieux et d’innombrables effets spéciaux pour que le tout ne semble jamais s’interrompre. Il nous prend alors par la main, nous transporte de pièce en pièce à travers la ville, traversant les murs, navigant sans contrainte entre les éléments du décors et nous assure qu’il ne nous lâchera qu’une fois le trip terminé. Alternativement subjective puis en totale contre-plongée, la caméra vole autour de l’action et propose alors des axes inimaginables, géniaux et totalement déstabilisants. Le spectateur découvre alors ébahie les aspects les plus surprenant du voyage mais il doit également se résigner à en subir la face la plus sombre. L’idée de base est bonne voir même excellente, et l’on se réjouit, dans les premiers instant, de vivre une telle expérience. Cependant, on se rend très vite compte que les 2h30 vont être un véritable calvaire d’autant plus que le réalisateur ré-utilise à outrance les mêmes subterfuges de mise en scène, rendant ainsi le film interminable (2h aurait largement suffit). Bref, Gaspar Noé nous tient, il réussit magnifiquement à nous plonger dans l’ambiance et va alors tout mettre en œuvre pour que l’on en ressente les moindres effets.
Dès les premiers instants Enter The Void rappelle le dernier succès de son réalisateur: Irréversible. L’ambiance oppressante, les scènes explicites, la caméra volatile, tout y est à l’exception de la drogue. On retrouve d’ailleurs dans les deux casting Thomas Bangalter dont les bande-sons composées de drones et de nappes musicales oppressantes et enivrantes sont toujours aussi lunaire. Les effets spéciaux, second élément créant l’immersion, sont en partie réalisés par le studio qui avait travaillé sur le non-moins déstabilisant Blueberry et l’on retrouve sans surprise quelque visions et hallucinations psychédéliques qui, ici, ont le mérite de ne pas occuper un tiers du film.
Plongé dans cette ambiance parfaitement maitrisée, le spectateur vit le voyage. Mais après 2h30 de déstabilisation, de survol claustrophobique à travers les murs étroits de l’esprit d’Oscar, enfermé et ligoté, le spectateur subit et se demande, comme sous l’extrême emprise d’hallucinogène, si il restera à jamais perdu dans dans les méandres de ce bad-trip. Enter the Void est donc une œuvre totalement personnelle et particulièrement éprouvante où chacun ne trouvera pas son compte mais où le public est pour une fois très ciblé. Pour un spectateur non averti les visions astrales, les hallucinations psychédélique et l’abondance de scènes explicites pourraient déstabiliser et choquer mais là est surement l’une des plus grandes forces du film et de son réalisateur. Gaspar Noé ose, sans jamais se restreindre aux gouts de la masse. Il prend le risque de ne pas plaire et l’assume totalement. Soyez donc averti, Enter The Void reflète les plus profonds fantasmes, les rêves les plus fous et les délires les plus traumatisant de son réalisateur. Glauque, oppressant, Gaspar Noé livre ici l’apogée de son œuvre, un Irréversible sous acide.