Avec High And Low, le maître s'attaque au film noir.
Scindé en trois parties bien distincte, son film propose de visiter le ciel, l'enfer et le purgatoire. Loin de lui l’idée de tomber dans le mystique, ici on est dans une trame se situant dans la société japonaise de la fin des années 50 - début 60. Celles du boom économique, de l'apparition du rock'nroll et du modernisme. Kurosawa brosse le portrait de la société, ses dérives, ses laissés pour compte, mais aussi ses privilèges avec son éternelle amertume et sa fougue dénonciatrice. Il en rationalise ses mécanismes sans jamais sombrer dans le cynisme manichéen. La première partie dresse le portrait d'un homme d'affaire dans le monde impitoyable de la finance. Magistral Mifune Toshirô, en père de famille et chef d'entreprise, dur mais juste. Il est amené à faire un choix draconien, lorsqu'un imposteur le rançonne, sauver la vie de l'enfant d'un modeste employé quitte à y perdre sa fortune. Kurosawa nous dépeint un monde impitoyable où les requins de la finance débattent dans des canapés usant de la parole comme autant de coups de sabres. Ils débattent tels des seigneurs de la guerre.
La seconde partie propose une embardée dans l'enquête consistant à retrouver l'imposteur. Là on se trouve dans l'univers du polar pur et dur. Une enquête au cordeau, qui n'oublie pas de rationaliser en montrant de vrais hommes avec des valeurs et propose une plongée dans l'univers du film-noir à l'américaine avec ses déplacements nocturnes en voiture et ses briefings policiers. Le personnage du commissaire interprété par l'excellent Tatsuya Nakadai est l’archétype de l'enquêteur intéressé et valeureux. Une figure quasi chevaleresque qui peut faire penser aux rônins solitaires du Japon féodal. Kurosawa y dépeint minutieusement les mécanismes d'une enquête point par point. Avec une maîtrise exceptionnelle il parvient à nous tenir en haleine une heure durant avec retournements de situation et coups de théâtre. Le film devient alors un magistral polar noir digne des plus grandes productions US de l'âge d'or Hollywoodien.
La troisième et dernière partie propose une plongée dans le monde de la nuit Tokyoïte. Un monde où les soirées dansantes servent de deal entre junkies. La réalisation du maître devient alors complètement délirante et grotesque et démonstrative. Il dépeint le monde chaotique des drogués dans une scène hallucinante, une plongée dans les bas-fonds les plus abyssaux. L'enfer. Ce film fait une nouvelle fois preuve d'un grand courage et d'une vision réaliste et mature de la part de Kurosawa. Un moralisme emprunt d'humanisme proposant de nous décrire les contrastes finalement pas si éloignés entre les hauteurs célestes de la finance et son monde de requins et les bas-fonds infernaux où rodent les prédateurs. Au milieu se trouve le purgatoire, un univers improbable qui rationalise et se propose d'expurger en prônant des valeurs et pose de vraies questions existentielles sur les valeurs humaines. Humanisme quand tu le tiens.