Le meilleur roman de Graham Swift est sans aucun doute Le dimanche des mères, récit d'une journée de 1924 vécue par une jeune bonne (Jane) dans l'Angleterre rurale. Un livre marqué par une poésie, une sensualité et une intensité merveilleuses au sein d'une construction vertigineuse, où événements à venir, toute la vie de Jane jusqu'à plus de 90 ans, s'immiscent au cœur de ce dimanche. Adapter au cinéma un roman qui est dévolu principalement aux sensations aurait été épineux pour n'importe quel réalisateur, hormis peut-être pour un Todd Haynes, par exemple, mais Eva Husson, en étant assez fidèle à la progression narrative de l’œuvre écrite, a visiblement fait fausse route, avec une mise en scène chichiteuse et une joliesse des décors et des costumes qui flatte l’œil mais détourne de la personnalité de son héroïne et surtout du portrait social, dans un pays où les familles, y compris les aristocratiques, pleurent toujours leurs morts de la boucherie guerrière de la décennie précédente. Le film n'en finit pas de nous montrer Jane dans le plus simple appareil et des messieurs/dames richement habillés échangeant des banalités avec un air compassé, le tout alternant avec des ralentis sans justification aucune. Honteusement sous-employés, Olivia Colman, Glenda Jackson et Colin Firth laissent la place à une Odessa Young méritante, qui est à peu près le seul attrait d'un film qui n'était vraiment pas nécessaire. Il sera vite oublié et Le dimanche des mères lui survivra, sans qu'il soit besoin de faire mention de sa piètre adaptation.