Dès les premières minutes, le film affiche sa patte expérimentale avec une introduction particulièrement réussie. On découvre l'âne de cirque EO en plein spectacles avec sa dresseuse. Une lumière rouge et une composition musicale imposante et inquiétante faite principalement de cordes habitent l'espace visuel et sonore.
La puissance de cette introduction est à la hauteur de l'audace du film qui suit l'âne EO après la fermeture du cirque. Les déambulations de l'âne sont agréables car elles permettes également au spectateur de prendre du recul sur ce qui est présenté puisque le point de vue adopté est celui de l'âne. Au travers de ce regard nouveau et innocent, le réalisateur présente plusieurs tableaux qui font office de vitrine de la nature humaine. Le procédé facilite la comédie de certains de ces tableaux grâce à l'incrédulité naturelle de l'âne. Pour les plus dramatiques, l'innocence de l'âne permet au film de ne pas sombrer dans le piège du jugement et de conserver pendant la plupart de ces scènes un côté caricatural qui ne le rend jamais détestable. Pourtant certains de ces tableaux restent moins convaincants et peuvent même agacer par leur manque de limpidité, notamment l'un des derniers avec Isabelle Huppert. De plus, une fois la structure de ces tableaux comprise, un sentiment de répétition s'installe.
Le ton demeure celui de l'observation et l'enchaînement des tableaux maintient toutefois la curiosité du spectateur. Ils sont de plus entrecoupés par des séquences qui relèvent davantage du cinéma expérimental. Les plans sont vertigineux et d'une grande virtuosité, notamment le plan central de l'éolienne. On y retrouve le ton rouge et la musique hypnotique de la scène d'introduction. L'éolienne est filmée par un drôle qui s'en rapproche et finit par tourner de manière synchrone avec l'éolienne. L'effet de cette séquence en est saisissant.
Malheureusement le film ne cherche pas à créer une unité entre les tableaux présentés et ces plans de transition. Les plans expérimentaux, les plus saisissants du film, se font plus rares et on en vient à regretter qu'ils n'aient pas été plus présents. Ils auraient sans doute évité la lassitude qui peut finir par pointer le bout de son nez.