Feeeeeeliiiiings, woh woh woh feeeeeeliiiiings
J'entends dire, ici ou là : "Equilibrium c'est rien qu'une grosse merde d'actioner pseudo-réquisitoire pompé sur [insérez ici le nom du film de votre choix]".
Eh bien... c'est vrai.
Y'a du Matrix, y'a du 1984, y'a du tout ce que vous voulez.
Sauf que voilà, on avait par exemple dit la même chose de Matrix par rapport aux Wachowski qui s'étaient "contentés" de pomper tout ce qu'avait fait le cinéma asiatique dans les deux dernières décennies, notamment en matière de chorégraphies pour les combats.
Et sauf que malgré cela, eh bien le film était une putain de tuerie de sa race.
Je ne vois pas au nom de quoi, sous prétexte qu'un sujet a déjà été traité de telle ou telle manière, cela interdirait à quelqu'un d'autre d'y revenir.
Certes c'est casse-gueule parce qu'on s'expose à la comparaison, certes c'est moins original que le "premier" qui s'y est collé (et franchement, dans la plupart des cas, bien malin celui qui peut identifier l'heureux pionnier).
Mais ça peut aussi donner une très bonne surprise.
Je ne vois pas en quoi le fait d'utiliser un thème abordé par le passé, voire s'inspirer d'une oeuvre existante est fatalement synonyme de faiblesse intellectuelle, facilité, flemmardise ou autre.
C'est certes parfois (souvent ?) le cas, mais pour autant il serait dommage de se priver des quelques chefs-d'oeuvres qui peuvent découler d'une telle démarche.
En reformulant :
l'originalité à tout prix justifie-t-elle le sacrifice de quelques chefs-d'oeuvres pourtant inspirés de choses déjà existantes ?
Franchement, sauf si je n'ai vraiment rien compris à l'histoire de l'Art, c'est quand même un peu ce qui se passait du temps des Grands Maîtres.
À la seule exception que quand c'est réussi, on appelle ça un hommage et non un plagiat.
C'est une bien belle chose que la subjectivité.
Les vainqueurs écrivent l'histoire, hein ?
Passée cette petite gueulante, Equilibrium.
Eh bien son propos n'est finalement pas si éloigné que cela de mes dernières phrases :
éradiquer la guerre de la surface de la planète justifie-t-il le sacrifice de nos émotions ?
Je vais un peu vite en besogne mais c'est important pour la suite.
À tout le moins, un sujet aussi intéressant mérite bien que l'on s'y penche, fût-ce pour la 63ème fois au cinéma.
Or donc, la Terre a connu une énième guerre, mais là c'est celle de trop.
Les hommes ne supporteront pas un conflit supplémentaire et "on" a décidé de mettre en place une politique excessivement stricte de contrôle des émotions.
Haine, jalousie, colère etc sont chimiquement inhibés, au détriment bien sûr au passage de la joie, l'amour, le plaisir...
Les contrevenants sont sévèrement réprimés (comprendre exécutés) et les objets séditieux interdits, et détruits lorsque saisis (oeuvres d'art, musique, jeux).
Je vous vois bien venir avec vos gros sabots.
C'est pas bien subtil tout ça hein ?
"Ah mais en fait ils n'ont fait que regrouper les tas de guerres qui se livraient un peu partout, pour en faire un gros affrontement entre les pro-sentiments et les anti-, c'est complètement débile et irrationnel, il est pas crédible ce film".
ou bien encore "Mais du coup les mecs qui tuent sans vergogne les rebelles, ils éprouvent pas un petit peu de la haine, de la cruauté et tout ça ? Ça veut dire qu'ils ne respectent pas les principes qu'ils ont eux-même édicté !"
Je ne me hasarderai pas longtemps sur le terrain miné du copain Godwin, et me bornerai donc à vous rappeler que des trucs aussi "débiles" et "illogiques" en apparence ont fort bien marché par le passé.
Fin du périple en zone dangereuse visant simplement à désamorcer les pseudo-argumentaires sur fond de namécépacrédib'. Si, ça l'est, et ça s'est déjà déroulé.
Si en toute honnêteté le film ne réserve pas nécessairement de surprise bouleversante dans son déroulement, l'esthétique (fût-elle ouvertement pompée sur Matrix) et le message global évoqué ci-avant suffisent à en faire un solide divertissement, et un film d'anticipation honnête, avec un traitement tout ce qu'il y a d'acceptable de la notion de totalitarisme, en ridiculisant allègrement au passage la "logique" -ou absence de- inhérente à cette idéologie.
Oui certains des personnages vont découvrir que finalement, peut-être, peut-être, les sentiments c'est quand même pas une chose si dégueulasse que ça.
Les combats sont rythmés, jouissifs, et la bande-son colle bien.
C'est un petit peu manichéen, mais ce n'est pas choquant.
En outre, dès les premières minutes on rencontre deux agents de cette "police des émotions" (à forte connotation religieuse, soit dit en passant, que ce soit dans les dénominations, les tenues vestimentaires ou les préceptes) :
J'ai nommé Christian Bale et Sean Bean.
Vous m'excuserez mais, ces deux-là pour incarner des gars supposés chasser les sentiments et, donc, en être eux-mêmes dénués...
On sent que les mecs du casting ont fait leur boulot avec sérieux !
Il n'aurait manqué que Keanu Reeves et Hayden Christensen pour avoir la dream team...
Mais il ne faut point trop en demander.
Somme toute, j'ai été agréablement surpris, m'étant "juste" attendu à un film correct et devant finalement reconnaître qu'il vaut mieux que cela.