C'est étrange que ce film reste méconnu dans la filmographie de Lumet.. Bon c'est vrai qu'il n'est que le réalisateur de la pièce éponyme de Schaffer (qui adapte le scénario ciné), est très connue et très jouée en son temps et que Lumet n'a rien eu d'autre à faire que de transposer.
Certains ont dit que, pour un artiste issu du théâtre, Lumet a foiré cette adaptation ciné. Je ne vois pas en quoi, certainement et heureusement parce que je suis une novice en matière d'appréciation des techniques de film...
Je reste convaincue que l'adaptation est réussie parce que j'ai pu repérer grands nombres d'effets techniques qui rappellent le théâtre, d'aussi loin que je côtoie ce genre artistique..
Les effets d'ombres et de lumières durant les monologues du psychiatre (allias Richard Burton) qui éclairent sur sa propre folie, lui dont le métier est de s'occuper de celle des autres. il ya un effet de mise en abyme conséquent.
Ensuite les dialogues qui rythment le déroulement et qui sont la matière même du film, la communication : les deux personnages sont enfermés dans leur souffrance dont ils ne peuvent s'échapper à cause du regard jugeur de la société. Tous deux le réalisent lorsque leur intimité les force à baisser la garde et alors la communication se fait d'égal à égal, de piégé à piégé, de souffrant à souffrant.
Cette société est incarnée par le figure féminine dont les rôles sont prépondérants dans le film.
Elle est un vecteur essentiel de la folie qui ne touche que les hommes. Elle commande, elle castre, elle entraîne, elle juge et elle motive. Elle établit ce qui est bien et mal sur fond moral religieux.
Mais le film ne se prive pas de rappeler sournoisement une certaine Eve dans un jardin d'Eden, qui prend tour à tour les différents rôles féminins à son compte. Pour qu'on garde à l'esprit son ambivalence : si elle condamne l'excès, elle est originellement celle qui le provoque... Le film démontre comment les occidentaux restent prisonniers de leur culture qui fonctionne sur le mode de la hantise divine. Et quiconque essaie de s'en échapper est taxé de folie, la plus subtile autre forme d'emprisonnement.
Equus n'est pas moins symbolique que le Christ dans une société divisée entre son puratisme affiché et ses vices qui sourdent en profondeur et que la psychiatrie est incapable de formuler sans remettre en cause son propre rôle dans cette grande farce humaine.
Si tous les dieux finissent par mourir, demeure leur hantise!
Vive Lumet...