Eraserhead, c'est un crâne chevelu qui efface son présent à l'instant où il le vit, c'est le sentiment d'un présent complètement déphasé où on se laisse prendre par ce qui nous arrive, tout en étant blasé et dans une constante déréalisation face à l'impuissance qu'on peut ressentir dans la société.
Ce sentiment d'aliénation, ce déphasage complet, c'est le quotidien de notre protagoniste, Henry Spencer, qui vit une situation bien particulière : il se retrouve seul avec son enfant non désiré, dont il peine à s'occuper. Un enfant, sculpté par les soins de Lynch, qui a une apparence presque de fœtus, mélangé à un alien, qui m'a l'air bien trop prématuré : mais l'est-il vraiment ? On pourrait se demander si cette apparence de créature ne serait pas que le point de vue du protagoniste, qui voit son enfant comme une punition, un obstacle à sa vie, et qui par la même occasion, même si son apparence peut être répulsif, peut provoquer l'empathie du spectateur ?
Les orifices, le liquide, les jets sont constants dans le film et nous rappellent sous un ton clair obscur, d'un parfait noir et blanc, la thématique de la gestation, la scène du radiateur est exceptionnelle, et je ne peux d'ailleurs que recommander la reprise du groupe Pixies, In heaven, everything is fine, you got you're good things, and i've got mine, séquence complétement surréaliste qui restera à jamais gravée dans ma mémoire. Ou encore ces scènes dérangées, où la tête d'Henry flotte dans l'espace, comme si son corps, son esprit et sa conscience étaient divisées et qu'elles peinent à être en synergie face à l'adversité du quotidien.
D'une narration magnifique qui aborde des thèmes sombres mais bien réelles de l'enfant non désiré, du parent qui n'est pas prêt à l'être, mais aussi d'un visuel magnifique, et d'un sound design innovant, Eraserhead reste et restera à jamais l'un de mes favoris, et une innovation complète pour le cinéma. Sur ces thèmes de gestations, ce film, a donné naissance à l'un des plus grands artistes, cinéastes de notre époque qu'est Lynch, qui le nommera même comme son œuvre la plus spirituelle.
Eraserhead est mon film le plus spirituel. Personne ne comprend quand je dis cela, mais c'est le cas. Eraserhead a évolué d'une certaine manière, et j'ignorais ce que cela signifiait. Je cherchais une clé qui dévoilerait le sens de ces séquences. Evidemment, j'en comprenais une partie ; mais j'ignorais ce qui les faisait tenir ensemble. C'était une situation délicate. Alors j'ai pris ma Bible et je me suis mis à lire. Et un beau jour, j'ai lu une phrase. Ensuite, j'ai refermé la Bible, parce que ça y était. Et là, j'ai visualisé la chose comme un tout. Cette vision s'est accomplie à 100%. Je ne pense pas que je dirai un jour de quelle phrase il s'agissait.