Au moins ne pourra t-on pas accuser David Lynch d'avoir débuté en faisant dans la facilité... Pour son premier film, on retrouve les qualités qui ont forgé sa légende : pleins d'idées, d'audace, d'images folles et une beauté irréelle presque enivrante : sincèrement, offrir une photo aussi hypnotique avec un budget aussi dérisoire (100 000 dollars!!) : bravo, monsieur ! Mais comme vous l'aurez compris à ma note, ce « Eraserhead », je ne l'ai pas trop aimé. Le cinéaste en parle comme d'une « sorte de poème en style libre » doté d'un scénario de 22 pages : pourquoi pas, mais au niveau du concret, cela se ressent fortement sur l'intérêt du spectateur.
Certes, Lynch multiplie les tentatives et les scènes plus étonnantes les unes que les autres (qui ne sont pas sans évoquer les futurs classiques de David Lynch, notamment « Elephant Man », « Blue Velvet » et surtout « Mulholland Drive »), sa vision très organique, malsaine de la vie, des cauchemars, de l'individu se réfugiant dans les rêves pour échapper à l'isolement et à la folie du quotidien ayant quelque chose de fort. Mais voilà, 22 pages de scénario, quoi... Sur 90 minutes !
Déjà que j'avais eu du mal à rentrer dans l'œuvre avec cette scène d'introduction pour le moins inconfortable, la suite, de plus en plus bizarre au point d'en devenir presque absconse, ne va pas déroger à cette impression initiale, et à force de ne presque rien comprendre, la suite logique est l'ennui. Alors oui, la beauté des images nous interpelle, et pour se lancer dans le cinéma, il fallait quand même être sacrément courageux pour commencer avec cette œuvre aussi personnelle qu'inclassable : insuffisant pour susciter autre chose qu'une estime distanciée. Une (très) étrange curiosité.