Ernest et Célestine, c'était l'éloge d'une amitié et un regard tendre posé sur la différence, tout en parlant avec sérieux de la précarité, de tolérance et d'exploitation. Une fable contemporaine qui ne perdait jamais le public auquel le film s'adressait, sans jamais verser dans le simplisme.
Il serait illusoire d'attendre, dix ans plus tard, une approche identique des personnages et de leurs liens, ce qui ressemblerait à un aveu de paresse, ou encore de peur de s'aventurer sur d'autres territoires.
D'autant plus que le temps a passé, et que les réalisateurs ne sont plus les mêmes.
Alors, si l'on ne peut nier que le propos est un petit peu plus évident en 2022, Le Voyage en Charabie de nos deux compères reste un émerveillement de chaque instant qui réchauffe le coeur et donne envie de renouer avec notre part d'enfance enfuie.
Et comme chaque voyage, celui-ci se révèle aussi aventureux que dépaysant, dans un pays-patchwork, la Charabie, rappelant à peu près la variété des totalitarismes, à la fois slave, troglodyto-turc, asiatique ou encore aux couleurs des montagnes afghanes, la musique y étant tout simplement interdite.
Un pays a priori sympathique, si l'on s'arrête à la beauté de ses couleurs pastel, de ses aquarelles et de l'épure de son trait rond et artisanal. Mais où s'exprime aussi un déterminisme pesant et une répression à la solde d'une incroyable absurdie.
Le Voyage en Charabie braque plutôt sa caméra sur les origines d'Ernest, ses relations familiales et les raisons de son exil. Mais Célestine n'est pas en reste en s'imposant comme moteur de l'aventure et de quelques images parmi les plus belles du film. Il suffit de la voir, recroquevillée, tandis qu'Ernest lui remonte son manteau pour la réchauffer, pour renouer avec les émotions du premier film.
Pour le reste, Ernest et Célestine conservent, en 2022, leur charme, la douceur et l'acuité de leur regard porté sur le monde, leur malice, ainsi que la poésie de leurs péripéties. En y ajoutant une pointe de sourire, le temps de courses-poursuites échevelées avec des policiers incapables, empruntées à Monkey Punch, ou en côtoyant une résistance musicale et un justicier masqué.
En 2022, en chantant un véritable hymne à la liberté, Ernest et Célestine ont tout simplement conservé leur âme et leur sincérité.
Behind_the_Mask, c'est comme ça et pas autrement.