Ernst Lubitsch n'a pas du tout caché que L'Opinion publique de Charlie Chaplin, chef-d'oeuvre très injustement méconnu de la comédie sophistiquée, en plus d'être tout simplement la première oeuvre dans le genre, a été une source d'inspiration capitale pour sa carrière.
Mais je pense que Vers le bonheur, film venant du futur pays d'ABBA, a dû en être une aussi, car on retrouve pas mal de ce qui fera le cinéma du réalisateur de Haute Pègre.
Bref, il ne serait pas étonnant qu'on ait affaire à la première comédie de mœurs de l'Histoire du cinéma, avec en prime déjà quelques éclairs de sophistication (peut-être que Chaplin l'a vu aussi ?) où les thèmes du couple, de l'adultère et du divorce sont traités avec une désinvolture et une totale absence de moralisme remarquables.
Madame s'ennuie avec son mari entomologiste plus préoccupé par les mœurs très dissolues du scarabée que par son couple... pas grave elle a juste à dire à son mari d'expédier ses très nombreuses malles de vêtements et à choisir entre deux amants... le mari se voit cocufié et ensuite quitté par son épouse... pas grave, pour combler les besoins de son deuxième organe préféré (pour paraphraser Woody Allen !) il y a les insectes et pour l'autre une belle nièce fera très bien l'affaire.
On peut reprocher à l'ensemble de manquer de fluidité dans les deux premiers tiers ; la séquence de l'opéra (réussie cela dit pour son contrepoint ironique et raffiné par rapport à l'histoire !) est un peu trop longue...
Mais l'élégance de la mise en scène et surtout la liberté de ton audacieuse ainsi que moderne adopté par le cinéaste suédois Mauritz Stiller, duquel j'avais beaucoup aimé le pourtant nettement plus moraliste La Légende de Gosta Berling, donnent beaucoup de plaisir à regarder ce film.
Décidément les Scandinaves sont très en avance sur beaucoup de choses. Et ce n'est pas le domaine des mœurs qui fera dire le contraire...