Habitué aux réalisations coup de poing, Yves Boisset s’essaie ici au film de genre. Le vrai film d’espionnage à l’ancienne avec intrigue alambiquée et jeux de dupes. Filmé dans un Zurich passablement austère, le résultat est froid comme l’acier. Lino Ventura est au centre d’une machination dont il peine à saisir les contours. Et au lieu d’un film pétaradant comme les aime Yves Boisset, on a droit à un ensemble plutôt austère au rythme pour le moins paresseux. Pas de fusillades ici à tout va ou de scènes de castagne ou de courses-poursuites au programme. Des affrontements verbaux autour d’un whisky, dans un bureau anonyme ou un jardin public.
Le résultat, s’il est ambitieux, se révèle terriblement lent. Autour d’une intrigue qu’on peine à véritablement saisir et de quelques cadavres à chaque nouvelle péripétie, on se retrouve malheureusement à bailler de temps à autres aux corneilles. Et pourtant le grand Lino est parfaitement dépassé par les événements. Michel Piccoli est un fielleux adversaire ou comparse avec qui il récite la chanson du chat et de la souris. Bruno Cremer est un allié ou un ennemi inspirant une crainte évidente. Les dialogues de Michel Audiard sonnent bien même s’ils sont moins grinçants que par ailleurs. La musique d’Ennio Morricone est sublime. Le résultat est cependant trop paresseux pour véritablement passionner.
Un récit peut-être davantage paranoïaque, quelques temps forts plus marquants que ces incessantes conversations ambigües auraient sûrement rendu l’ensemble plus haletant. Venant d’Yves Boisset qui maîtrise avec efficacité les scènes nerveuses, nul doute que le résultat aurait été plus trépidant. Mais on comprend bien qu’il s’agit ici d’un véritable parti-pris qui plaira aux amateurs de films d’espionnage réalistes à la John Le Carré comme L’Espion qui venait du froid. Pour le coup, ce n’est pas trop mon truc mais il en faut pour tous les publics. Dernier petit bémol, une partie technique parfois catastrophique. Ombre des caméras à plusieurs reprises, une scène (affreuse) de descente d’escalier avec Ventura et Piccoli avec un éclairage jaunâtre créant des ombres étranges durant toute la séquence. Pour un film qui se veut froid et réaliste, cette désinvolture technique peut sévèrement être jugée.