Dès la séquence d’ouverture j’ai été touchée au cœur : un groupe de femmes vêtues de noires marchent lentement, avec gravité, tristesse, mais aussi dignité, détermination. Un groupe soudé qui se met à danser et chanter dans une ambiance de solennité et de douleur. C’est juste beau et poignant ! On comprend tout de suite que le film va nous raconter une histoire essentielle. Puis la caméra nous montre ce groupe de femme vu de l’arrière. Les femmes continuent à avancer, leur destination ? Le cimetière. Une fois arrivées là, elles se séparent en deux groupes, d’un côté le cimetière chrétien, de l’autre le cimetière musulman.
Pour accompagner les premières images, une voix off féminine parle. C’est clair, le film aura pour héroïnes des femmes ! Nous sommes dans un petit village isolé du Liban, entouré de mines antipersonnel. Et voilà que la télévision fait son apparition au village apportant avec elle les nouvelles extérieures et se fait l’écho en particulier des troubles entre musulmans et chrétiens. Nouvelles qui viennent bien sûr réveiller l’humeur belliqueuse des hommes du village qui brûle de s’enflammer… C’est sans compter sur les femmes qui sont rassasiées de deuil, de pertes et de larmes. Ensemble, chrétiennes et musulmanes font corps pour empêcher leurs hommes de sombrer encore et encore dans la violence. Et pour cela elles trouvent les stratagèmes les plus loufoques et les plus variés qui soient. Formidable imagination féminine !
Un film drôle, burlesque par moment, un film qui fait pleurer, qui émerveille aussi et qui fait du bien. Le dénouement est d’une grande intelligence et mériterait d’être entendu par les fanatiques en tous genres. Il en existe partout malheureusement ! Ce dénouement se déroule au cimetière et forme le pendant de la superbe scène d’ouverture.
Ce magnifique film est porté par des acteurs qui sont pour la plupart non professionnels et viennent des villages où le film a été réalisé. Ils sont d’un naturel confondant et nous entraînent dans leur histoire ! On y croit ! Le rôle du prêtre a été donné à jouer à un musulman et le rôle de l’imam à un chrétien. Autant dire que ce film n’est pas banal et est bien davantage que de la pure fiction... La réalisatrice Nadine Labaki joue avec conviction le rôle de Amale. La scène où elle balance à la face des hommes du village son ras-le-bol est poignante ! Il est clair que la réalisatrice ne « joue » pas un rôle ici, mais exprime ses convictions les plus profondes !
Pour couronner le tout, Et maintenant, on va où ? comporte de belles séquences musicales. Les chansons ont été composées par le mari de Nadine Labaki. Elles apportent une touche de légèreté à ce film dont le sujet est si douloureux. Bravo pour ce magnifique film ! Il en faudrait davantage pour dire assez au fanatisme, à la violence, au rejet de l’autre, à l’étroitesse d’esprit, à la guerre et à la haine !
Ce film a reçu le prix œcuménique du festival de Cannes.