Beaucoup plus que "Pour une poignée de dollars", c'est ce film qui a inventé ce fameux courant artistique qui a su posséder ses propres lettres de noblesses en seulement trois films, tous signés par un même réalisateur. On a beaucoup parlé de la fulgurance de la carrière de Kubrick, mais Leone le bat en terme de durée.
Leone était un mec qui se voulait artisan de grands spectacles, tout en bouleversant les codes (déjà un certain goût pour jouer les audacieux pour les castings !) afin de les remanier à sa sauce. En sachant parfaitement qu'il ne plairait pas à tout le monde, il a tout misé sur sa vision macabre mais réaliste sur le vieil Ouest, sur lequel il était mieux informé qu'un bon nombre de réalisateurs américains. C'est d'ailleurs ça qui a donné un sérieux coup de fouet à ce genre qui est comme un Phénix: régulièrement mourant, avant de revenir à la vie de façon flamboyante, puis retournant en cendre etc. C'est avec ce film qu'il a commencé ses premiers véritables pas de metteur en scène. Et y' a pas à dire: son talent était déjà bien visible. Certes, il y a des maladresses, qu'il a su combler par la suite. Par exemple, l'ennui du braquage, qui n'a rien d'un suspens haletant comme l'attentat d' "il était une fois dans l'ouest". Mais autrement, que dire de négatif ? Rien que le premier plan, d'une simplicité déconcertante et pourtant tellement significative, force à lui seul l’admiration. Il se paye le luxe de ne faire démarrer son histoire qu'au bout... d'une demi-heure ! Avant, il nous présente ses deux personnages principaux (enfin, trois: l’accessoire fétiche du Manchot était considéré comme une personne à part entière) sur deux "courts-métrages" impressionnants de maîtrise. Leur rencontre est forcément épique, durant toute une scène pleine de mystère et de fascination réciproque mais refoulée violemment. Et puis, le premier duel de western de l'histoire ! Sans être du niveau des deux films suivant de Mister Leone, on voit bien que c'était le début de quelque chose d'immanquablement culte. Un prélude évident à celui, parfait, d' "il était une fois dans l' Ouest". La fin est magnifique. Les acteurs sont également magnifiquement dirigés: Van Cleef change complètement son image, avec une allure stylée à mort, comme Eastwood qui peaufine son jeu minimaliste mais hyper-classe. Maria-Volonté ne joue pas sur le même tableau, beaucoup plus fragile que le duo principal, insistant sur le côté fou et drogué de son personnage (qui arrive à être défoncé en quelques bouffées de joints quand même !). Il est une révélation pour moi, et j'ai hâte de le revoir sur un autre film. Quand à Kinski, dans son premier rôle majeur, il bouffait déjà la pellicule à sa seule apparition. La musique de Moriconne, qui s'améliore encore mieux, apporte une partition jouissive à mort. Que ce soit le thème principal, le thème de la bande de l' Indien s'enfuyant à cheval, et surtout la musique du duel final (hélas raccourcie sur le film) comme sa version plus mélancolique, sont tous des sommets se juxtaposants à merveille sur les travaux accordés aux décors et aux costumes. La trace Leone est incopiable, tout de suite identifiable.
Un film majeur. Et, grâce à lui, le western spaghetti fut !