Dix-neuvième long-métrage de François Ozon qui devait normalement concourir au Festival de Cannes 2020, "Été 85" (adaptation libre du roman "La danse du coucou" d'Aidan Chambers) constitue une étape importante dans la carrière de son réalisateur. En effet, fortement marqué par les thèmes du livre (les 1ers émois adolescents, une passion naissante et dévorante vis-à-vis d'une autre personne), l'ayant découvert quand il était encore étudiant, Ozon pensait déjà l'adapter au tout début de sa carrière mais la suite (pour le meilleur) en a décidé autrement.
Comme le titre l'indique, l'action se déroule donc en 1985 en région normande le temps d'un été et nous raconte l'histoire d'Alexis, un ado de 16 ans qui voit son existence chamboulée par l'arrivée dans sa vie de David, un autre jeune homme l'ayant sauvé de la noyade et en qui Alexis pense avoir rencontré l'ami de ses rêves et peut-être même plus encore.
Sur base de ce "pitch" mystérieux, Ozon signe un film à la mise en scène sobre (dans le bon sens du terme) sans aucun artifices superficiels et sans jamais chercher LE plan ou l'image parfait(e), qui mise surtout sur l'alchimie entre les personnages et la tension dramatique progressive du récit. S'ouvrant un peu à la manière d'un thriller dans lequel un personnage que nous ne connaissons pas encore nous explique ce qui l'a conduit à être là où il en est aujourd'hui (un peu à la manière d'un "American Beauty"), le film d'Ozon nous entraîne progressivement dans un univers où s'entrecroisent habilement l'été et son ambiance légère et insouciante, les joies de l'amitié, le glissement progressif de l'adolescence vers l'âge adulte, l'incompréhension et la jalousie; en gros, tout un torrent d'émotions fortes bien dosés mis au service d'un scénario bien écrit qui nous tient en haleine du début à la fin et d'un montage efficace alternant à la fois séquences joyeuses et insouciantes avec d'autres plus sombres et mélancoliques.
En somme, en plus d'être l'un des films les plus intimes de son auteur, "Été 85" se révèle être une belle expérience de cinéma, élégamment mise en scène et servit par une superbe distribution combinant subtilement jeunes premiers prometteurs (Félix Lefebvre et Benjamin Voisin dans les rôles d'Alexis et de David) et seconds rôles bien connus du grand public (Isabelle Nanty et Valeria Bruni-Tedeschi parfaites en mères-poules dépassées par les événements).
Bref, une bonne raison de retourner au cinéma en cette période post-confinement très problématique pour les salles obscures.