Il me tardait de voir un film de Valerio Zurlini, toujours partiellement bloqué aux grosses têtes d'affiche du cinéma d'auteur italien de la fin des années 50, alors que le néoréalisme avait fini son mémorable passage dans le paysage transalpin à jamais changé. "Eté Violent" est l'une de ces autres démonstrations de force qui nous prouve que l'âge d'or du Septième Art italien se situe entre les années 40 et la première moitié des années 60.
Considéré comme l'un de ses meilleurs films, "Eté Violent" est une oeuvre particulièrement ambitieuse narrant l'aventure d'un couple atypique au beau milieu d'une Italie en guerre marquée par le fascisme mussolinien. Carlo est le fils d'un dignitaire de cette idéologie sans toutefois exposer son point de vue. Il ne se reconnaît pas dans le discours paternel et n'en déplaise aux simplets, un enfant ne partage pas systématiquement la même pensée que ses parents. Roberta est une veuve esseulée ayant perdu son mari, fier commandant ayant fait voeu de sacrifice pour sa patrie. A aucun moment, Zurlini ne va se jeter sur le terreau de la politique. Il s'en fout et c'est tant mieux. Bien sûr, les confrontations entre opposants sont inévitables mais elles ne sont qu'une simple toile de fond. Ce qui intéresse le cinéaste, c'est avant tout cette romance en dehors des sentiers battus, jugée impure par la mère rigide de Roberta. Une veuve de 30 ans, mère qui plus est, s'énamourant d'un jeune va à l'encontre de toutes les conventions.
"Eté Violent" est à n'en point douter l'une des plus belles romances que l'on ai vu dans le paysage italien. La dualité de ces deux personnages amène à créer des situations d'une rare tension érotique. Lui est franc, n'hésitant pas à aller vers elle tout en conservant une part de timidité. Elle, est réservée, essaie de prendre ses distances mais son regard embarrassé traduit un désir qu'elle est incapable de refouler. Ils se cherchent, se partagent la compagnie de l'un avec une ambiguité qui volera très vite en éclat au fur et à mesure du temps passé ensemble. Et dans une explosion de sentiments qui ne demandaient qu'à s'exprimer physiquement, ils s'enlaceront dans un jardin baigné de la lumière d'une pleine lune. Un des plus beaux premiers baisers que l'on ai vu.
Zurlini répond à tous les impératifs nécessaires à la création d'une histoire d'amour exceptionnelle. D'une légèreté sans pareille, leurs désirs mutuels y trouvent toute la passion. Ils se complètent et l'un semble incapable de vivre sans l'autre. Aux chiottes le regard des quidams et vivons comme il nous l'entendra. Un avant-gardisme qui a comme des senteurs de libération sexuelle en avance. La romance italienne est sublimée par la grâce, la poésie et la tragédie poignante car intérieurement nous nous doutons que la finalité sera loin des papillons roses.
ATTENTION SPOILER :
Dans une dernière partie très impressionnante, face au chaos qu'il a toujours voulu fuir, Carlo prendra conscience de la nécessité de défendre son pays, ses habitants et bien sûr Roberta qu'il aime tant. Alors que le train démarre, la voyant regarder son amant comme si c'était la dernière fois, l'incertitude guette. Tout comme nous, Roberta est désormais condamnée à revivre ce qu'elle a eu avec son mari : l'abandon et la peur. Elle ne sait pas si il reviendra vers elle ou si il mourra sur le champ de bataille en fier patriote. C'est simple et pourtant si intense.
FIN SPOILER :
Cet aspect tragique n'est pas sans rappeler le théâtre avec les expressions corporelles des personnages se retournant lorsqu'ils sont contrariés. Souvent, nous aurons, mais ce n'est pas propre au couple, un plan rapproché sur le visage de l'un, tandis que l'autre est en arrière-plan. Le dialogue semble se heurter au mur de l'inquiétude. Ce n'est pas une mise en scène qui plaira au premier venu mais le fait qu'elle ne soit jamais forcée, ni exagérée amplifie cette pureté qui nous charme tant.
Enfin, il ne faudra pas oublier de mentionner un superbe noir et blanc magnifiant des décors de vacances aux allures de carte postale. "Eté Violent" n'est qu'une brique parmi tant d'autres qui ont consolidé mon adoration du noir et blanc. Et quand, en plus, se rajoutent un Jean-Louis Trintignant et une splendide Eleonora Rossi Drago, comment ne pas passer un délicieux moment de cinématographie ? Oui, "Eté Violent" est une pierre angulaire du drame d'amour à l'italienne.