Il voudrait pouvoir l'oublier, il aimerait se dire qu'il y a eu un avant sans elle, et qu'il y aura un après sans remords. Mais seule la mort offre l'oubli, Joel l'apprend à ses dépens. Chassez le naturel et il revient au galop...

« Eternal Sunshine of the Spotless Mind », une histoire d'amour pas comme les autres. Lorsque Clementine découvre que son idylle avec Joël bat de l’aile, elle prend la décision irrévocable, en apparence, de faire effacer ce dernier de sa mémoire par le biais d'une méthode révolutionnaire.

La particularité du film est de prendre la forme d'un grand puzzle qui récupère, petit à petit, des morceaux de vie du couple. Quels qu'ils soient, des moments heureux, ou malheureux. Parfois les deux à la fois, car nos personnages peuvent passer très vite d'une émotion à une autre à cause d'une remarque, d'un détail, etc. J'ai ressenti toutes leurs joies et leurs souffrances.

Le schéma narratif est quelque peu déstabilisant, je m'y suis perdu au départ, mais il raccroche précieusement les wagons. Les situations parfois abracadabrantes constituent toute la poésie du mélodrame amoureux raconté au travers des souvenirs ambigus de Joel. Celui-ci peut tourner la tête une seconde, et je me retrouve illico-presto à ses côtés dans un autre endroit, dans une autre ambiance.

Le jeu d'acteur de Jim Carrey est parfait, son personnage ne l'est pas, ses mimiques ou ses soufflements sont moins insignifiants qu'ils n'y paraissent. Je n'ai pas su résisté à ses répliques tordantes, notamment quand il essaye de contenir sa schizophrénie. J'étais dans sa tête, dans son coeur et dans son corps tout entier. J'étais lui finalement. Il m'est arrivé de me dire "bon sang, dépêche toi de te sortir de ce merdier et d'aller récupérer la prunelle de tes yeux, Jimmy !". Elle n'aime personne si ce n'est toi, mais elle ne le sait pas... elle ne le sait plus, ou du moins elle aime un autre toi dans une autre personne qui t'as volé tout ce qui te raccrocher à elle.

Je ne reviendrai pas en détails sur l'emmerdeuse affectueuse et spéciale qu'est Clementine alias Kate Winslet. Aucun mauvais choix de casting d'ailleurs, les seconds rôles sont tous amusants, autrement ils ne font que supporter l'effervescence du duo principal et le poids de leur amour.

Tout est donc orchestré avec brio par Gondry, le cinéaste français, qui est parvenu à tirer son épingle du jeu et à proposer une oeuvre bouleversante, loin de tous les clichés et qui ne sombre pas dans le pathos. Et comment ne pas repenser aux musiques connotatives, elles sont magiques.

Si un procédé permettait de gommer une partie de ma mémoire, que ferais-je ? Au demeurant, les douleurs découlent toutes d'une rivière qui s'apparente à la trajectoire d'une vie, à ce qu'elle peut nous proposer de meilleur comme de pire. Cela vaut-il la peine d’effacer tous les bons moments qui ont permis à ces douleurs de surgir ?
Eren

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