Sorti en 2004, réalisé par le génial (et français) Michel Gondry avec des moyens risibles, tout l'argent ayant été mis dans le paiement des acteurs -et quels acteurs !), inspiré des œuvres de Boris Vian L'arrache-cœur et L'herbe rouge, avec un titre imprononçable tiré d'un poème d'Alexandre Pope, et qui peut aussi bien signifier "Éclat éternel de l'esprit immaculé" que "Des esprits bien faisant pleins d'innocents mensonges" ou "Que vos cœurs sont heureux puisqu'ils sont insensibles", ce film a l'immense mérite d'avoir un scénario en béton, comme The Truman Show, où l'on retrouve également Jim Carrey. Le film a d'ailleurs reçu l'Oscar du meilleur scénario, en plus de celui de la meilleure actrice pour Kate Winslet).
Joel (Jim Carrey), timide et renfermé, et Clémentine (Kate Winslet), extraverti, un peu folle et excentrique, ont eu une longue relation qui s'est terminée par une terrible dispute. Clémentine s'adresse à une entreprise qui efface la mémoire, et se fait oublier sa relation avec Joel. Furieux, Joel décide de faire de même. Une grande partie du film se déroule dans le cerveau de Joel, qui se rend compte petit à petit qu'il a été heureux avec Clémentine, et qu'il ne veut pas faire effacer sa mémoire. Mais il ne peut plus rien faire, et tente de fuir par tous les moyens. Il n'y arrive pas, et termine son voyage dans sa mémoire le jour de sa rencontre avec Clémentine, qui lui dit "Meet me at Montauk", là où ils se sont rencontrés. Ils se retrouvent à nouveau dans le train et tombent amoureux. Apprenant par la suite qu'ils ont déjà eu une relation qui n'a pas fonctionné, ils décident pourtant de recommencer. Dans le même temps passent des personnages plus que secondaires, parmi les personnes qui sont chargées d'enlever la mémoire pendant le sommeil de Joel : Patrick (Elijah Wood), est tombé amoureux de Clémentine alors qu'il lui effaçait la mémoire, et s'accapare les souvenirs de Joel pour la séduire. Mary (Kirsten Dunst) avoue sa flamme au médecin qui a créé l'effacement de mémoire, joué par Tom Wilkinson, et apprend qu'elle a déjà eu une relation avec lui, qu'elle a effacé.
Après le scénario, la grande force du film, ce sont ses acteurs. Jim Carrey joue ici le rôle pas du tout drôle du paumé dessinateur marginal timide et complexé. Kate Winslet, quant à elle, joue un rôle très loin des standards dans lesquels on l'avait vue (Titanic, The Reader), une excentrique un peu paumée elle aussi, franchement déglinguée. Pour ceux qui la connaissent de ses autres films, la voir avec les cheveux vert, puis violet, puis orange, et surtout terriblement mal coiffés, sera sans doute surprenant. A l'arrière, on a une lignée de très bons acteurs, avec Kirsten Dunst dans le rôle de la blonde mélancolique qui se cultive pour séduire le médecin novateur, travailleur mais père de famille attirée vers une fille bien plus jeune que lui, incarné par Tom Wilkinson. On retrouve encore deux bons acteurs dans des rôles plus secondaires avec Elijah Wood et Mark Ruffalo.
Au final, on se souviendra surtout de ce film pour sa portée philosophique : si l'on pouvait effacer ses souvenirs, le ferait-on. Le souvenir n'est-il pas la base de notre conscience, et ce qui nous permet d'avancer ? On voit notamment que, malgré la haine qui suit la fin d'une relation, tout n'est pas à jeter : la plupart de nos souvenirs avec la personne aimée sont doux et font sourire. Bref, effacer une personne de sa mémoire serait une erreur ; on le voit bien dans le personnage de Mary (Kirsten Dunst) qui trouve d'abord le procédé génial et révolutionnaire, qui permet aux hommes de prendre un nouveau départ, mais qui, apprenant que sa mémoire a à elle aussi été effacée, alors qu'elle avait été heureuse dans sa relation, décide de renvoyer leurs dossiers à tous ceux qui se sont fait effacer la mémoire ou qui ont été effacé de la mémoire d'un autre.
Très bon film, très bon moment. A voir.