"Eternal Sunshine of The Spotless Mind" nous prend déjà à revers au niveau du début du film. Pour ceux qui auraient lu le synopsis avant de lancer le film, la déroute devait être de mise après 15 minutes.
En soi le choix est bien pensé, le début du film se situant en réalité APRES QUE l'opération fut réalisée...
Et juste après que Clémentine (Kate Winslet) soit partie "monter chercher une brosse à dents" et qu'Elijah Wood (Patrick) aborde Joel (Jim Carrey) dans sa voiture, nous revoyons le même Joel pleurer sur son volant et jeter une cassette au sol, puis on le voit en pleine discussion animée avec ses amis sur le fait que Clémentine l'ignore..
Ces trois moments qui se suivent pourtant appartiennent à trois moments distincts chronologiquement mais le film réussit alors à reconstituer les pièces du puzzle pour nous faire saisir toute la dimension sentimentale/onirique du film.
- Au lieu de nous faire découvrir "au jour le jour" la relation Clémentine/Joel, nous la voyons à travers les souvenirs de ce dernier, souvenirs qu'ils s'apprêtent à faire effacer et donc cela accroît le dramatique des scènes, l'effacement de mémoires heureuses mais qui chaque jour faisaient souffrir le pauvre Joel, ne comprenant pas pourquoi sa soupirante faisait comme s'il n'existait plus ..
- Dès lors, cet effacement semble comme une "seconde torture" pour Joel qui voit sans cesse s'évaporer ses souvenirs, lorsqu'on comprend que quelque chose ne tourne pas rond lorsqu'il perçoit les bruits "extérieurs" (de Stan et Patrick) et se promène dans des souvenirs non prévus sur sa "carte sentimentale à effacer".
Force est de constater, que la tentative de résistance à ce processus d'effacement, se déroulant nécessairement dans une société futuriste où l'on peut, en une nuit, faire disparaître des déconvenues post-Saint-Valentin est parfaitement exprimé. Le jeu d'acteur est très poussé : un Jim Carrey très crédible en amoureux repenti et Kate Winslet en Clémentine extravertie et fraîche et finalement nous tiennent en haleine.
Le petit "twist" en cours de film (impliquant Patrick et Clémentine) pimente la résistance intérieure de Joel et transforme ce voyage onirique en conflit intra-cervical où le Joel du "présent" tente de convaincre la "Clémentine du passé" de s'enfuir de ses souvenirs, détruit peu à peu du plus récent au plus ancien.
- L'histoire n'est donc plus linéaire, et de plus que ce soit "à l'extérieur" ou "à l'intérieur" du cerveau de Joel, on s'agite et s'inquiète et la tension des deux événements entremêlés est très bien gérée et complémentaire : un simple "patient" à l'origine finit par faire voler en éclats cette entreprise d'effacement de souvenirs ... La gestion des émotions est fine et sans fard (mise à part quelques scènes prévisible comme celle où Clémentine quitte le logement de Joel après avoir entendu les "horreurs" qu'il a dites sur elles et lui revient comme une fleur "non attend reviens, je ne le pensais pas blabla ..) et le "raccrochage de wagons" chronologiques à la fin achève de nous faire comprendre toute l'histoire, dont le dénouement prête également à réflexion.
Car c'est ce qui fait toute la force de ce film : Nonobstant un travelling sentimental original avec des personnages à priori secondaires (Patrick et Mary/Kirsten Dunst), le film pourrait dépeindre entre autres une société lâche (désireuse d'effacer des souvenirs en un rendez-vous, comme pour fuir les erreurs du passé, à l'image du médecin Howard avec Mary) qui pense trouver le repos dans l'oubli (clin d'oeil à la phrase de Nietzsche citée par Mary). Mais la réaction de Joel se voudrait comme un rappel à la réalité : qu'on ne joue pas avec le cerveau et les sentiments aussi facilement, qu'il est finalement possible de recommencer une relation "effacée" par le passé !
Un film émouvant et touchant qu'il faudrait voir après des déconvenues de St-Valentin pour se redonner espoir !