Mes mains ne tremblent plus. Mon sourire redevient spontané, le filtre gris qui embrumait mon regard s’est dissipé. Tout va bien, en somme. Seulement, lorsque j’arpente les couloirs, elle me hante à chaque minute. A tout moment elle peut surgir, me pétrifiant de sa présence quasi-fantomatique. Je vois sa frange, j’aperçois sa silhouette – ce n’est pas elle, cette fois-ci. Mais quand elle se présente, les mots sortent avec peine, des balbutiements fatigués d’une déception inqualifiable. Je ne peux définitivement pas l’oublier, ce n’est pas même ce que je désire. Ce serait pourtant tellement plus simple…
La fougue a fait place à l’incompréhension la plus amère, l’ardeur au silence le plus assourdissant. Mais j’aurais beau me changer les idées, trouver un équilibre stable, je ne cesserais de penser à elle, de rêver d’elle, jusqu’au moment où le flou de mon subconscient l’aura placée dans un recoin caché de mon esprit. Au moment où, suffocant d’un temps révolu, je n’aurais pas d’autre choix que de surmonter mon trouble, pour prendre un peu d’air frais. En attendant, sa présence physique me rappelle au désordre fissa. Je ne la reconnais plus, mais c’est bien elle. J’ai été bousculé d’un rapprochement aussi idyllique et prometteur, me voilà accablé d’un éloignement aussi inexplicable qu’irrémédiable. Tout s’est terminé alors que cela ne débutait qu’à peine. Ma plaie qu’elle s’était efforcée de recoudre, elle a fini par l’infecter. Allez savoir ce qui lui est passé par la tête – ou ce qui est passé par la mienne, tout dépend du point de vue.
Le désir amoureux et ses sempiternelles contradictions, les souvenirs qu’il laisse, les sensations qu’il fait surgir. Aucune opération mentale ne parviendra à ôter ce sentiment tenace, cette attirance irrésistible, comme fatale. Entre le bonheur et le vide, l’apaisement et la souffrance, il n’y a toujours qu’un pas dans cet état si absolu, si égoïste qu’est l’amour. Dois-je alors réapprendre à me connaître ? Repartir d’un pied plus aguerri, quelque peu désillusionné certes, mais toujours aussi déterminé à vivre sans retenue ni concession ? Arpenter les pans de sa vie passée n’a rien de régressif si c’est pour mieux envisager l’avenir. Me transportant d’un bout à l’autre de ma mémoire, je me rappelle des moments les plus simples, les plus honteux, les plus signifiants aussi, les plus sensuels enfin. Je prends alors conscience de ce que je désire réellement, même je dois pour cela faire resurgir des instants pénibles, les vivre à nouveau, encore et encore, jusqu’à m’en être complètement rassasié. Puis, remonter au front, quoiqu’il m’en coûte.
Ma critique de "Anomalisa", réalisé par le scénariste Charlie Kaufman : http://www.senscritique.com/film/Anomalisa/critique/70162236