Année Honoré de Balzac, peut-être due à la pandémie mais c'est toutefois suffisamment rare pour être signalé. C'est « Eugénie Grandet » par Marc Dugain qui ouvre le bal, où j'ai à la fois retrouvé ce qui m'avait plu et nettement moins convaincu dans son (auto-adaptation d' « Une exécution ordinaire ». D'un côté, on sent quand même que réalisateur n'est pas son premier métier. Certes, il y a quelques jolis plans, dont certains très bien éclairés, esthétiques sans être esthétisants : joli travail. Mais techniquement, c'est difficile, manquant de maîtrise, de cadrage, de façon plus générale de moyens, à l'image de décors souvent réduits à leur minimum, limitant fortement la reconstitution et, par conséquent, l'immersion historique. Enfin, les sous-intrigues concernant les « affaires » du père sont souvent peu claires, pas aidées par le marmonnement de certains comédiens, bouffant pas mal de mots.
De l'autre, difficile de contester le grand intérêt des sujets abordés par Dugain, se réappropriant avec beaucoup d'intelligence cette histoire incroyable dont il tire, malgré le manque de densité, un excellent scénario, à la fois très ancré dans son siècle tout en offrant d'évidents ponts avec l'époque contemporaine. Certes, de temps à autre, c'est assez gros sabots pour bien nous faire comprendre le discours féministe concernant l'émancipation de l'héroïne, mais au vu de l'effrayante emprise patriarcale alors en vigueur, difficile de contester le fond, surtout lorsque le rôle-titre est interprétée par Joséphine Japy, dont la sobriété, la douceur, la dignité, la beauté discrète font merveille, l'élégance des dialogues la mettant, comme le « duo » Olivier Gourmet - Valérie Bonneton, régulièrement en valeur.
Difficile toutefois de terminer sans évoquer le personnage du père, sans doute l'un des plus complexes et passionnants qu'ils m'aient été donné de voir récemment, même pas
un vrai salaud, presque pire tant il s'inflige presque au même titre ce qu'il inflige à sa famille : un « malade »,
ce qui le rend infiniment plus intéressant, admirablement résumé par son épouse :
« de tous les vices, il a celui qui coûte le moins cher : l'avarice »,
Gourmet, hormis lorsqu'il marmonne, donc, lui apportant sa présence et son talent indéniables. Cela aurait pu (dû?) être mieux, et je regrette à nouveau que le fond l'emporte autant sur la forme, mais à défaut d'un grand réalisateur, on a un grand écrivain adapté par un autre (écrivain, grand je ne sais pas!), ce que l'on ressent aisément par l'excellence de son histoire et de ses protagonistes.