Le constat était valable pour son long-métrage précédent, Jauja, et il l'est tout autant avec Eureka : pour tenter d'apprécier un film de l'Argentin Lisandro Alonso, il vaut mieux être en bonne forme physique et mentale et, surtout, ne pas chercher à tout comprendre mais à ressentir, si possible. Plus facile à dire qu'à faire, quand le cinéaste pousse le bouchon très loin, avec certaines scènes où il ne se passe strictement rien, et qui durent, qui durent. De plus, sur près de 150 minutes, Eureka est scindé en trois épisodes distincts qui font voyager dans l'espace et le temps, mêlant le réalisme à l'imaginaire, du western grotesque à l’œuvre contemplative. Une constante tout de même : la présence des populations originelles de l'Amérique, du nord et du sud, et le thème générique de l'exploitation de l'homme par l'homme. Oui, Eureka est un conte, un récit hybride qui fait la part belle au contemplatif et qui s'enferre sans doute dans sa propre posture. Cela dit, Lisandro Alonso dit lui-même qu'il n'a rien contrôlé dans son film (on peu en douter) et qu'il compte sur la curiosité (et la patience ?) des spectateurs, pour établir les connexions idoines entre les différentes scènes. Pessimiste par nature et peu séduit par le fonctionnement des sociétés modernes, le cinéaste nous invite à une forme de lâcher prise dans son nouveau film. Visiblement, selon les individus, ça passe ou ça casse, mais l'expérience mérite quand même d'être tentée, aussi opaque et fastidieuse soit-elle par moments.