Eureka
6.7
Eureka

Film de Lisandro Alonso (2023)

Comme à mon habitude, lorsqu'un film, pousse la curiosité. Je commence par lire les autres critiques/avis/commentaires du film que je viens de voir.


Il en ressort un petit quelque chose du côté des critiques positive, la forme et son expérimentation dans le film.

Comme quoi on aurait jamais vu cela.

Puis il y a le ressort mystique.

De dire, on ne sait pas pourquoi, mais ça nous fait quelque chose.

Bien sûr, je ne suis pas très friand de la deuxième face de la pièce. La mystique, ça s'explique, la grande partie du temps. Juste ça demande du temps, et visiblement ça n'a pas l'air d'être venu à l'idée de ceux touchés par la grâce.

Mais avant d'en parler.


Il y à l'évidence, l'évidence de la critique négative. Qui fait du style, mais au-delà de cela, ne fait que dire que ce film est un ennui.

Bon. Passons.

Vous êtes responsable de votre propre ennui.


Toute la problématique d'Eureka, réside dans l'équilibre entre la narration est l'acte de montrer. Et la narration ici se manifeste très clairement. Alors le fait que ce métrage soit divisé en trois parties, j'avoue que ça m'indiffère, presque ça m'agace d'en entendre parler. Ce n'est ni une qualité ni un défaut. C'est juste un choix de narration qui laisse tout et son contraire possible, rien de très intéressant selon moi, quoi que...


Vient alors ce thème de la société primitive et ses représentants devant survivre à la rencontre avec le monde occidentale capitaliste. Et c'est là que se trouve la première porte d'entrée. Qu'est-ce qui fait fuir cet "indien" de la forêt amazonnienne pour quitter sa tribut ? L'amour, le crime, la conséquence des deux ; la recherche d'un autre endroit où aller où il sera accepté ?

Dernière option. L'amour, le sang ; tout cela, il le retrouvera partout où il ira, y compris l'endroit qu'il a quitté.

Cet homme comme tous les autres personnages issus de ces sociétés primitives, fera l'objet de cette malédiction de la vie qui rend tout horrible. Et cette vie primitive, elle se confronte à quoi ? À notre occidentalisation de tout. Ce que nous, les Occidentaux savons faire le mieux. Détruire en conquérant, en hiérarchisent. On en vient au premier tableau, qui, de prime à bord est une très drôle introduction à tout le reste.

C'est-à-dire,

que nous partons de la narration mysthifié des territoires nouvellement conquis pour arrivé à ces terres vierges des quelles on s'en va pour rejoindre le colon.

C'est ce qui fera, d'ailleurs, que la narration dans la première partie aura un rythme plus soutenu, ce noir et blanc évocateur des vieux western et cette violence permanente et radicalement caricaturée.

Ce qui fait que ce film n'est pas en deux parties, mais en trois, c'est précisément celle du milieu...


Voilà.


La partie du milieu (appelons-la comme ce qu'elle doit être.);

Il s'agit de quelque chose de plus simple, de plus quotidien, que les deux autres. Comme un drame contemporain ; on regarde ces corps natifs déambuler et jacter puis jacter, mais aussi regarder dans ce quotidien que nous contemplons d'un air apitoyer.

Et le film laissera transparaître ce message très simple, les Indiens d'Amérique sont indiens d'Amérique depuis que quelqu'un a décidé de les rendre indiens d'Amérique.

Cela mérite un peu d'approfondissement.

On aura tous retenu cette phrase, "le temps est une fiction". Bon et bien qu'est-ce qui est une fiction.

Puis "Il n'y a que l'espace".

Et c'est là que ça devient tout à fait intelligible, le film décide d'assumer complétement sa lecture un temps soit peu mystique des corps indigènes.

Il les montre comme des contradicteurs qui donnent des formules magiques absurdes, dont eux même n'en tire aucune libération de leur quotidien triste et dépressif. Car tout cela n'a pas de sens visiblement, séparé le temps de l'espace, dire que c'est le temps seulement qui est une fiction humaine. En fait, on s'en fout, honnêtement, je pense que le cœur du film aurait pu se trouver là, mais clairement pas du tout. C'est une fausse piste, comme les longueurs. Le film ne se trouve pas là, mais alors où ?

Dans l'oiseau ? Dans la métamorphose ? Dans cette idée à la Kafka de l'émancipation de l'indigène.

Oui, quittons le langage des mots qui n'a rien d'autre que du folklore comme les plumes qui l'attestent.


La métamorphose vient alors expliciter ce qui n'a pas de sens tout seul.

Les indigènes sont tous comparables, comme les colons, comme la main du colon fait toujours la même chose elle tente de rationalisé, de donner un sens mathématique aux populations, en imposant son langage, sa hiérarchie et ses valeurs. Le colon n'est pas progressiste humainement puisqu'il ne l'est que culturellement et immoralement. Il faut que tout soit ordonnée de façon démiurgique. L'indigène, de son côté, fera toujours la même chose, tentera de se placer le mieux qu'il pourra dans cette prison de mort qu'est la vie, avec ces formules mysthiques qui prise dans ce monde ne sauve personne, juste les perds.


Et comme une phrase qu'aurait pu prononcer Wittgenstein. "Le temps n'existe pas, c'est une fiction humaine." Le temps, avec ce mot, et la définition qu'il a derrière, n'existe pas. "Seul l'espace existe", oui l'espace existe parce que c'est mathématiquement possible de corréler sa définition avec ce que le mot "espace" désigne.

Et c'est comme cela que je trouve un poids à cette réplique, pas autrement, puisqu'elle n'est que le bout d'un fil, pas le fil lui même.

Il faut voir le temps comme une contrainte impossible à cerner, et l'espace comme notre seul moyen de sceller quelque chose.

Je renvoie donc au livre Le Temps Scellé de Tarkovski ; ayant lui aussi essayé d'inventer le savon de la vie, celui qui permet à l'eau de se mélanger au gras et de nous laver les mains par la même occasion.

Enfin, je veux dire par là, de faire fusionner le temps et l'espace quoi, et de les toucher sur le même plan.


Alors je pense que désormais, qu'il est possible de dire que ce film ne parle pas, déjà, il nous montre tout l'intérêt de se laisser porter. Et que notre sensibilité sera notre œuvre d'art dans ce film qui n'en est pas une par elle-même, mais le devient en fonction du spectateur qui la regarde. N'oublions jamais ce détail, cette œuvre n'est pas bien parce qu'elle fait ceci ou cela, elle l'est par ce qu'elle a un spectateur prévenu, averti ; sensible à la démonstration de notre complexité. Ce film n'est qu'un miroir de ce que l'on est.

Le centre du film est là ; définitivement pas dans les répliques ni dans cette image de métamorphose, mais entre l'image de la métamorphose et nous même, nous sommes l'autre bout du film. À deux, nous formont le fil.

Le film nous le rappelle.

Et il n'y a rien de moins interprétatif que cela.

Un peu de la même manière, Miyazakia fait un équivalent dans son film animé Le Garçon Et Le Héron ; pour ceux qui voudraient comparer avec un élément qui jouit d'une autorité plus grande que ce film semblant sortir de nulle part pour le spectateur occidentale, naïf et caustique qu'il est.



Bien sûr, j'aurais trouvé ce film long, ennuyeux par instant. Mais je ne lui en tiens pas rigueur, je pense qu'il amène quelque chose de très fort par ses qualités technique qui m'ont tenu de bout en bout. Je pense, effectivement qu'il faut aller voir ce film avec un minimum de conscience de soit et de concentration. Le film ne demande pas de tout regarder, je ne pense pas ; ne vous en voulez pas d'avoir dormit. Après tout, le sujet c'est aussi le quotidien, qu'y a t-il d'étranger à cela que d'en être blasé. Si vous êtes dans ces dispositions, je ne vois pas en quoi vous passerez à côté de ce film qui nous montre simplement ce que l'on est. Et pas autre chose.






Vraiment, je crois que mes critiques sont de plus en plus longues.

Propppane
10
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le 6 mars 2024

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