Europa par Ame-Stram-Gram
Europa de Lars von Trier est une évocation de la situation de l'Allemagne au sortir de la seconde guerre mondiale, alors qu'elle est écartelée entre occupation américaine et résistance nazie, entre ruines et reconstruction, entre examens de conscience et regrets simulés ou réels. Et le réalisateur, selon son habitude, ne tranche pas, laissant planer une ambiguïté qui contribue au climat oppressant et malsain de l'ensemble. Il crée une atmosphère de huis clos étouffant, voire claustrophobe, en situant une grosse part de son récit, largement métaphorique, à l'intérieur d'un train où américains et nazis, miséreux et favorisés, repentis et résistants se marchent littéralement sur les pieds. Mais c'est surtout la mise en scène hallucinante et les recherches formelles étonnantes qui font la valeur du film. L'avant-plan et l'arrière-plan ont été tournés séparément, pour être ensuite mixés en post-production. Cela permet différents effets à teneur symbolique, comme le mélange du noir et blanc et de la couleur, utilisée ici pour sa valeur affective, ou comme la superposition d'éléments disproportionnés (gros plan du chronomètre). Même s'il ne constitue pas le chef d'oeuvre pleinement abouti de Lars von Trier, il en demeure un film étrangement fascinant.