Benoît Jacquot aime les actrices. Avec Isabelle Huppert, les deux sont complices depuis des années et le rôle d'Eva, prostituée de luxe, n'est pas de ceux qu'elle gâche, bien que cette fois les dialogues qu'on lui donne à jouer ne valent pas grand chose. Kaléidoscopique Huppert au moins aussi bonne que Jeanne Moreau dans le film, pas fameux, de Losey, adapté du même roman. Jacquot, qui alterne sans trop convaincre ces dernières années films grand public et oeuvres plus personnelles, s'empare de l'histoire d'Eva avec l'envie de la rendre glaciale, sous des aspects de thriller psychologique qui montre vite ses limites. Le personnage de Gaspard Ulliel est plutôt énigmatique avec cette fascination pour cette call-girl qui lui rappelle évidemment quelque chose de sa propre vie. Le comédien s'en sort avec les honneurs même si son côté beau ténébreux sans scrupules n'offre pas une palette de jeu très large. Face à cette trouble relation, qui peut sembler répétitive quoique sauvée en partie par la mise en scène et un montage incisif, les protagonistes secondaires sont nettement sacrifiés au point qu'on se désintéresse totalement de leur sort. Après le mauvais A jamais, Eva risque fort de rencontrer peu d'écho d'autant que son dénouement est d'une faiblesse insigne. A moins d'être un inconditionnel de Huppert dont le talent fait dans une certaine mesure oublier les lacunes du long-métrage.