Rattrapage de dernière minute pour ce magnifique film, sorti par Arizona dans l’entre-confinements, le 5 août 2020 – la date semblait toute choisie vu le titre et le sujet – au moment où le box-office français commence timidement à reprendre des couleurs.
Quatrième film du réalisateur espagnol Jonás Trueba, Eva en août est son premier à percer en France et plus largement hors d’Espagne. Présenté notamment à l’ACID Cannes et au festival de La Rochelle, le film surprend tout d’abord par sa nonchalance toute en délicatesse.
Au plus fort des chaleurs du mois d’août, les Madrilènes, les habitants de Madrid, ont pour habitude de laisser la ville aux touristes et se réfugier dans des régions au climat plus clément. Mais cette année, Eva décide de rester. La jeune fille de 33 ans, sans trop le savoir – ou du moins sans s’en rendre bien compte – est à un tournant de sa vie. Tournant professionnel et tournant amoureux, elle est également en transition d’appartement.
Logée chez un ami qui lui prête son appartement durant ses vacances, Eva prend le temps de flâner, de découvrir autrement la ville dans laquelle elle vit, et de se laisser porter par les rencontres fortuites.
Cette flânerie, que l’on pourrait presque qualifier de rêverie, se ressent dans la forme du film, qui se détache volontairement du schéma classique de l’intrigue bien ficelée, pour prendre le temps de développer les petits détails et les petits moments de bonheur de la vie de tous les jours. Une lenteur pesante, à l’image de cette canicule qui étouffe la ville.
C’est dans les rencontres d’Eva que le film trouve tout son charme. Que ce soit avec le propriétaire de l’appartement, féru d’histoire du cinéma, la copine perdue de vue après qu’elle ait eu un bébé, ou l’ex mélancolique et mal à l’aise de la croiser. Les dialogues sont d’une justesse et d’une finesse magnifique ; criants de vérité, à l’image de ceux de Stockholm (qui se passe également au hasard des rues de Madrid), le premier et trop méconnu film du réalisateur prodige Rodrigo Sorogoyen (Que dios nos perdone, Madre), que je recommande chaudement si vous avez aimé Eva en août.
Avec les rencontres, les lieux jouent également un rôle tout particulier dans le film. Que ce soit l’appartement « très lumineux » et étouffant, le cinéma où l’on se réfugie pour un peu de fraîcheur, ou les buvettes bruyantes de touristes et de jeunes étudiants : ce sont des lieux pleins de vie, interdits aujourd’hui, et qu’il nous tarde de retrouver au plus vite.
Là où le film est particulièrement réussi, c’est qu’il donne l’impression de suspendre le temps : la torpeur du mois d’août envahit notre visionnage et l’espace de deux heures, nous nous laissons porter par cette poésie fiévreuse et un peu éphémère. Sans rien en dévoiler, la poésie trouve son point culminant dans la dernière scène du film, particulièrement émouvante.
Déjà présente dans La Reconquista, précédent film du réalisateur sorti en Espagne en 2016, Itsaso Arana incarne à la perfection son personnage d’Eva. Lumineuse et touchante, ce sont les deux adjectifs qui me viennent à l’esprit pour qualifier la jeune actrice. Quel dommage qu’elle ait si peu tourné (Eva en août ne semble être que son troisième film), car elle a l’étoffe d’une grande actrice.
Eva en août est donc une délicieuse pastille estivale, à la fois rafraichissante et ancrée dans la moiteur de l’été madrilène, un film qui ne déborde pas d’enjeux, mais qui capte de petits moments de vie avec une touchante sincérité.