Un film catastrophe sans catastrophe et sans héros, Baltasar Kormakur a de la suite dans les idées ! Avec Everest, le réalisateur Islandais recentre un genre, ailleurs fasciné par les dommages collatéraux, sur le cœur même de n’importe quel cataclysme : le facteur humain.

Vous rêviez d’avalanches destructrices, de blocs de glace aiguisés, de crevasses vertigineuses ? Passez votre chemin, vous n’aurez jamais le vertige dans Everest, et encore moins de la poudreuse en 3D qui vous éclabousse le visage. Les enjeux sont ailleurs, du côté de cette équipe internationale de bric et de broc, bien décidée à réussir l’impossible : poser sa misérable petite main (ou son misérable petit drapeau au choix) au sommet de la plus haute montagne du monde. Si jamais Kormakur ne pose de jugement sur ces protagonistes un peu givrés, il a le mérite, en deux répliques, une coupe de cheveux et trois sourires, de brosser le portrait attachant d’êtres humains mus par ce désir incompréhensible de se faire mal, sans jamais profiter de la beauté qui les entoure.

De ce point de vue, les intentions de Kormakur ne semblent pas si éloignées du documentaire, si bien que le fantôme d’Herzog, celui derrière Gasherbrum, la montagne lumineuse ou Rencontres au bout du monde s’invite au détour de quelques scènes particulièrement réussies dans les camps de base de l’ascension, où se côtoient les extrêmes, sherpas plaisantins et riches américains, grimpeur fou et jeune médecin. Dans ce contexte, rarement casting cinq étoiles n’aura été aussi justifié. Jason Clarke est parfait en père de famille/chef de groupe, Jake Gyllenhaal est simplement génial dans son rôle d’allumé euphorique, et Josh Brolin idéal en baroudeur de pacotille.

Kormakur a l’intelligence de ne jamais vouloir satisfaire les bas instincts du spectateur : moins de spectacle étourdissant, moins de sensiblerie, les deux talons d’Achille du cinéma catastrophe se retrouvent très vite sectionnés, au gré de plans aériens de toute beauté (bien que trop courts) et de scènes domestiques élégantes (brillante idée que celle de la télégraphiste incarnée par Emily Watson, reliant deux âmes en peine).

Autre aspect saisissant d’Everest, ce soin apporté à la mise en scène de ces tombeaux humains (le vide, la roche, le sentier) dans lesquels on meurt le plus souvent à petit feu, et pour des broutilles. Au-delà du fait que ces lentes agonies réaffirment la toute puissance de la nature sur la fragilité humaine, cela rappelle à quel point cette mort, qui devrait être omniprésente, est absurdement absente de la plupart des films catastrophe.

Francois-Corda
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Créée

le 3 janv. 2019

Modifiée

le 4 juin 2024

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François Lam

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