La promotion de ce film nous promet une histoire : celle d'un groupe d'alpinistes chevronnés se confrontant à la plus grosse bête en la matière, le mont Everest. Elle nous promet un duel Homme VS Nature qui n'aura pas lieu. Chargé d'un potentiel gros comme une montagne, ce film plonge droit dans le film américain banalisé, suivant le schéma suivant : une longue exposition qui donne l'objectif en annonçant le problème futur (et nous donne les clefs pour imaginer la suite) ; un développement semé de petites embûches pour nos héros ; un climax avec le "big-problem" attendu ; et une fin-résolution qui fait le constat. Ce parcours-type-classico-classique peut très bien se retrouver dans la construction de très bons films, sauf que ceux-ci auront alors une originalité autre-part. En clair, Everest aurait pu être le film qui nous prend aux tripes, qui nous entraîne avec des alpinistes dans une ascension mortelle, dans un enfer blanc. Certes, la 3D et le son 7.1 nous immergent dans une terrible ambiance, mais ce subterfuge, bien que plaisant, ne suffit pas.
Alors comment obtenir un film vraiment immersif ? Peut-être en commençant par faire adopter à la caméra un point de vue réaliste, à hauteur d'homme. Comment le spectateur peut-il être avec les personnages, vivre leurs épreuves, si la caméra part dans les airs grâce aux supers drônes-caméras et ne se pose pas plus de 10 secondes ? Lorsqu'on est avec un personnage entrain de souffrir dans le froid, le montage nous fait instantanément redescendre 3000 mètres plus bas avec ceux qui s'inquiètent. Même pendant la tempète-climax du film, au lieu de nous faire vivre une aventure et une seule, nous alternons joyeusement entre les différents alpinistes et voyons un extrait de leurs aventures intérieures, au lieu d'en vivre une en intégralité.
L'exposition du film pointe la question du "pourquoi faire une ascension" et esquisse une sorte de réflexion plus ou moins "si je peux le faire, je dois le faire" et "chez moi je me sens inutile, ici je revis". Voilà le point le plus intéressant du film, et tout sportif (du dimanche aussi) pourra le comprendre. Sauf que le film n'exploite pas l'idée, ou alors c'est au spectateur de la plaquer sur ce qu'il voit. Everest a tout l'air de balancer en préambule sa philosophie pour pouvoir cocher fièrement une case sur son carnet.
Le début de l'ascension a été tournée en lieux réels, et la suite s'est faite en studios. L'immersion n'aurait-elle pas été plus entière si on avait (juste un peu !) suivit les personnages caméra à l'épaule, comme dans un documentaire ? De plus, l'usage du studio limite le nombre de décors utilisables, et donne, avec ces quelques endroits-passages, l'idée d'un mont Everest pas si haut que ça. Cependant, pas de souci, le studio est nécessaire quand les scènes sont physiquement in-tournables. Gravity en est l'exemple parfait : on ne peut pas tourner dans l'espace. Mais contrairement à Everest, ce film-ci (qui nous promet de suivre les aventures périlleuses d'une astronaute dans le désert de l'espace) tient ses engagements ! Everest préfère s'éparpiller, raconter plusieurs histoires et finalement aucune. Celle de Rob, qui nous tient le plus à cœur, est à moitié finie, puisqu'on ne sait même pas clairement si le personnage est mort avant le générique de fin.
Les choix cinématographiques sont les plus transparents possibles. Ainsi, lors des 2 coups de fil de Rob (mourant dans la neige) à sa femme (restée en Amérique), le montage alterne entre le mari, la femme et le camp de base (qui assure la liaison téléphonique). Pourquoi ne pas nous faire vivre la scène d'un seul côté ? Avec Rob on pourrait partager sa joie inespérée d'entendre sa bien-aimée ; avec celle-ci on pourrait ressentir le sentiment d'impuissance et de désarmement face à la situation ; avec les témoins de la conversation au camp on pourrait avoir un point de vue proche du spectateur, ému par la situation et connaissant l'issue inévitable de l'affaire. Mais non, tout est mis, pèle-mêle, comme ça, en vrac. Faites votre tri. Le film souffre d'un véritable manque de choix.
Le mont Everest aurait pu être un personnage à part entière, il aurait pu tester les faiblesses de chacun, travailler leur résistance, leur mental. Finalement, le film ne rend même pas hommage aux alpinistes dont l'aventure a inspiré l'histoire : chaque personnage est interchangeable et incarne un splendide cliché. On aura : le vieux qui donne tout pour son rêve ; la (seule) femme, asiatique, discrète, courageuse et méthodique ; le guide prêt à donner sa vie pour son client ; l'autre guide un peu foufou ; et comble du comble, les sherpas trousse-de-secours, mille fois plus expérimentés que les amerloques, qui ont l'air de faire l'ascension comme moi je prends le métro, et que l'on appelle comme on siffle un saint-bernard lorsqu'on manque d'oxygène.
En bref, un film qui fait flop. Un flop sur glace.