Si tous les films méritent d’être découverts dans les salles obscures, certains prennent indubitablement une dimension nouvelle lorsqu’ils sont visionnés au cinéma. Et c’est évidemment le cas d’Everything Everywhere All at Once (qu’on appellera EEAO parce que sinon on va pas s’en sortir).
On y suit Evelyn Wang, une femme dont la vie ne semble être qu’une somme de mauvais choix. Engluée dans des relations familiales tortueuses avec un père froid et une fille qui lui échappe, elle doit composer avec un mari qui semble aussi naïf que déconnecté du drama économique que toute cette petite bande traverse. Et… Et Multiverse.
Multiverse ? Ouais ouais, vous avez bien lu. Certains seront peut-être sceptiques à l’heure où Marvel aligne les lingots pour mettre en place sa propre version de ce schéma narratif infini pour un résultat… Bref. Ce multiverse là, celui que nous sert Dan Kwan et Daniel Scheinert, est 100 fois plus explosif, approfondi, et inventif que celui du MCU. Petit tout de force quand on sait que le budget de EEAO est plus ou moins 1000 fois inférieur à celui du géant Américain.
Sérieusement, le film est absolument bouleversant et mérite d’exploser les compteurs de toutes les salles obscures. Si la première demi-heure est plutôt calme, le rythme s’accélère nettement dès lors que nous rencontrons les premiers éléments du multiverse. Celui-là est d’ailleurs traité avec une maestria parfaite, de ses origines narratives à son fonctionnement concret, en passant par son articulation avec tous les personnages. La richesse des univers explorés est dantesque et nous explose la rétine pendant plus d’une heure sans que l’on ne soit jamais rassasié. Sérieusement, on est bien loin de la timidité maladive de Marvel et on sent le mix caféine/cocaine de l’équipe qui ne s’est imposé aucune limite. Vous pleurerez sans aucun doute devant deux putains de cailloux sur une colinne, vous rirez bêtement devant le géniallissime ratontouille, et vous vous demanderez sérieusement ce que vous faites là quand vous verrez un mec se branler avec une lampe. Bref, vous allez voir du cinéma.
Côté réal, que dire hormis le fait que c’est une vraie claque de presque deux heures ? Entre des scènes d’actions aux petits oignons, une gestion du multiverse pertinente et cohérente, et un montage au cordeau, on en prend plein les yeux, et bordel que c’est bien. À ce propos, on ne peut pas parler du film sans évoquer son montage qui suit le crescendo effréné qu’entreprend le récit à partir de la première heure pour finir en apothéose dans un final explosif. Tour de force à noter, le film jongle avec mille et unes références ciné (certains évidentes, d’autres plus discrètes) sans jamais tomber dans le si facile fan service (coucou Marvel).
Enfin, le meilleur atout du film reste indéniablement son écriture. D’abord classique, voire gauchement humoristique, le récit se révèle peu à peu comme une ode à l’amour, aux vertus de la gentillesse, et surtout à la capacité phénoménale de l’humain à combattre dans l’adversité. La richesse de ces thématiques et l’angle avec lesquelles elles sont abordées rappelleraient presque les géniales petites mains de PIXAR, et ce, à tous les niveaux de l’écriture.
Bref, Everything Everywhere, All at Once (l’acronyme est vraiment à chier), est une vraie gourmandise. Une sorte d’ovni tout droit sorti des bonnes idées que Marvel jette à la poubelle. La réal, les acteurs, l’écriture… Tout autant de bonne raisons de voir ce phénomène en salle.