Comme à son habitude, Frederick Wiseman use de la magie didactique de son montage pour épuiser son sujet sans épuiser son spectateur. En trois heures amples (presque un moyen métrage pour lui), l'Américain fait se succéder les saynètes qui chacune illustre une ambition, un métier, une fonction et la nécessaire pluridisciplinarité de cette bibliothèque. On pourra reprocher que, contrairement à la plupart de ses films, toutes les séquences ne sont pas égales, ne servant pas toujours à appuyer le sujet (on offrira donc facilement quelques vacances à sa concentration lors de séquences de rencontres littéraires dont le sujet, bien qu'objectivement intéressant mais sans entrée en matière ni conclusion, n'aidera en rien à l'avancée du film).
Le réalisateur n'aura donc jamais aussi bien porté son nom en se concentrant ainsi sur ce symbole du savoir et de l'éducation populaire, incarnation absolue d'une politique publique d'une ville, au rôle essentiel et central dans la dépolarisation, la reconstruction de la démocratie et de l'esprit critique.
Mais on savourera presque d'autant plus qu'en filigrane le réalisateur profite de l'occasion de traiter son sujet pour se promener dans sa cité de toujours, ville cosmopolite dont il semble éperdument amoureux.