En commençant le visionnage de Ex machina je pensais voir un film sur l'intelligence artificielle (oui j'avais vu le synopsis tout de même) plus ou moins comme on peut en voir par ci par là, ou alors dans les livres. J'ai en effet une fâcheuse tendance qui consiste à être blasé devant bon nombre de produits culturels que je trouve très critiquables sous bien des angles. L'enjeu d'un bon film, donc, consiste à me surprendre (j'en reparlerais plus bas), à me sortir de ce personnage blasé. Alors pari réussi? Regarde la note.
On débute avec un fond sonore aseptisé, comme le seront la plupart des environnements, un jeune homme banal assis sur sa chaise banal de bureau banalo-futuriste (mais pas bien loin) vient de gagner un concours pour aller chez son boss qui n'est ni plus ni moins que le patron d'un Google amélioré. Il arrive dans le gigantesque domaine dudit boss (gigantisme souligné par une joke du pilote d'hélico dont on aurait pu se passer) et parvient enfin devant la porte. Là un logiciel intégré lui met un flash et lui refile cash un pass pour la maison des merveilles. Le jeune homme utilise donc logiquement le pass, entre, se retourne pour voir la porte se fermé et le voyant passer de rouge à bleu.
Et voilà on est dedans! Le jeu de loterie, l'endroit mystérieux,la porte; bref on sent venir le truc louche et quand la porte se referme et que le voyant devient rouge on sait que le bonhomme est piégé. La question est de savoir par qui.
On s'immerge désormais dans un monde aussi aseptisé que la BO du film (ce n'est pas un défaut attention). Et là, après la rencontre avec Nathanlegénie, on voit se confronté notre personnage et Ava (un robot doté d'une IA... disons déstabilisante (je vous laisse découvrir si vous ne l'avez pas encore vu) dans un test de Turing amélioré. grosso modo testé si une IA peut passée pour un humain. Sauf que là l'enjeu est bien plus fort et intéressant, il s'agit de voir si une IA peut passer pour un homme alors que l'on sait pertinemment que c'est une IA. Arrivé à ce stade je me suis dis avec mon habituel ton blasé "Bon faut pas déconner, quand on a les circuits devant les yeux difficile de troubler les frontières homme/machine" ; quelle erreur présomptueuse... Le challenge du film est le même que celui de Nathan, arriver à faire passer Ava pour une humaine ou au moins que le doute s'installe. Et de mon côté le contrat est rempli avec brio! Après tout, si ce n'est la conscience de lui même au delà de lui même qu'est-ce qui différencie l'homme des robots? Hal 9000, ou CARL en VF, était déjà effrayant alors je vous laisse imaginer avec une jolie fille.
Outre les multiples questionnements philosophiques (pour qui veut bien se prêter à ce genre de réflexions) qu'amène le film et qui ne sont pas nés avec lui, on a devant nous une oeuvre qui parvient à manier la symbolique pour diriger le spectateur, qui utilise relativement bien (et je fais rarement ce compliment) la musique pour réellement servir son propos, de multiples références (bibliques bien sûr étant donné le thème, mais aussi du Pollock bien servi frais et bien d'autres; puis moi j'aime ça les jolies références voilà..) et qui ne démérite pas du côté du jeu d'acteur; alors que demande le peuple?! On retrouvera des symboles récurrents, chose qui me plaît beaucoup en général allez savoir pourquoi, qui finalement ne seront symbole de rien avant la fin (je pense ici au rouge qui oscille entre vérité et mensonge, voilement ou dévoilement).
Alors oui je suis très élogieux, il faut dire que j'écris à chaud, mais le film a vraiment toutes les qualités pour le satisfaire dans son propos, son intrigue, sa mise en scène (bien qu'on puisse reprocher quelques facilités de temps en temps), etc... J'aurais bien pu lui reprocher son esthétique trop propre et léchée, chose qui rend nombre de films récents fade et passable, mais encore une fois c'est un choix parfaitement logique ici pour souligner entre autre la pureté ("Une IA pure!" qu'il s'exclame l'autre...) d'Ava. Avec tout ça on en oubli presque, mais pas tout à fait, que les réseaux sociaux et le renfermement que peut entraîner une ouverture potentiellement illimitée au autres et à l'information sont aussi de la partie, en sous texte.
Ah oui j'allais oublier! En plus des nombreuses questions que peuvent apporter les films de SF, l'une d'elles m'a tourmentée tout le film durant: "Peut-on tout faire au nom du progrès?". Question banale aujourd'hui et moult fois plaquer sur une copie de philo ou dans un conseil d'éthique, je sais. Mais ce qui importe c'est la manière de se la poser. Non on ne peut pas tout faire pour progresser si on veut répondre facilement; mais le film n'a cessé, à travers le personnage de Nathan, de me poser la même question en boucle, habilement emmêlé avec la question de l'IA. Parce que si on ne doit pas faire souffrir les animaux parce que c'est cruel diront nous, alors qu'en est-il de faire souffrir une conscience?
En fin de compte le propos d'Ex machina n'a rien de révolutionnaire, mais il a le mérite de le présenter habilement, sans tomber dans des clichés éhonté comme peut le faire Clones. Le film prend aux tripes et pose les questions en profondeur et avec élégance au lieu de les tartiner comme de la confiture, qui s'en ira bien vite au lavage, sur les yeux du spectateur.
Bordel moi aussi je l'ai trouvé mignonne Ava...