Sans tout à fait le vouloir, j’ai placé ce mois de mai 2021 sous le signe du cinéma hongkongais.
Deux films mettant en scène Jackie Chan, 6 réalisés par Johnnie To (+1 produit par le cinéaste), ainsi que la trilogie Infernal Affairs d'Andrew Lau et Alan Mak (seul le premier volet est vraiment digne d’intérêt) : pas moins de douze longs métrages issus du territoire indépendant, pour la plupart de l’époque où Hong Kong produisait encore des films, avant la rétrocession de 1997 à la Chine.
Le goût du cinéma hongkongais pour les polars et le genre se retrouve aujourd’hui avec la même vivacité dans le cinéma coréen, qu’on pourrait qualifier de digne héritier d’un cinéma aujourd’hui quasiment disparu.
Ce mois-ci, j’ai donc découvert avec beaucoup de plaisir mes premiers Johnnie To, cinéaste éminemment prolifique, réalisant en moyenne 2 à 3 longs métrages chaque année.
Exilé, considéré comme le film majeur du réalisateur, a été présenté en sélection officielle à la Mostra de Venise en 2006, et c’est l’un des rares à être sorti au cinéma en France (merci au distributeur ARP !).
Une première mise en perspective m’a frappé : l’histoire d’Exilé est extrêmement proche de celle de The Mission : toutes deux ont pour sujet un groupe de cinq tueurs à gages, anciens potes dont l’un a reçu la mission de descendre l’autre. Dans The Mission, c’est ma seconde partie du film, après que Shin ait fricoté avec la femme du baron de triade M. Lung.
Du côté d’Exilé, l’intrigue est centrée sur le personnage de Wo, un tueur à gages à la retraite qui a décidé de quitter les Triades chinoises pour s’installer à Macao avec sa femme enceinte. Mais le jour de l’emménagement, deux de ses anciens « collègues » lui rendent visite, avec pour mission de l’exécuter. Sont également présents deux autres amis, prêts à protéger Monsieur Wo. Les cinq hommes décident alors de faire ensemble un dernier gros coup, pour laisser à la femme de Wo un joli pactole avant de laisser les tueurs liquider Wo et honorer leur contrat.
La séquence d’introduction, où les quatre amis débarquent chez Wo avant de se livrer à un duel explosif, est magistrale. Tout du long, j’étais excité comme une puce avec l’envie de m’exclamer « quel génie ! ».
Elle ancre avec une redoutable efficacité le film dans le genre du western urbain, avec un hommage subtil au grand maître Sergio Leone. Avec cette scène introductive, impossible de ne pas penser à la séquence d’ouverture d’Il était une fois dans l’Ouest, lorsque quatre tueurs viennent attendre l’Homme à l’harmonica à la descente d’un train. Le bruit des éperons est remplacé ici par celui des grelots, tandis que la musique - à l’harmonica notamment - composée par Dave Klotz et Guy Zerafa rend habilement hommage aux thèmes d’Ennio Morricone.
Bien que je trouve le choix de son titre "pas top", Exilé est un film maîtrisé de bout en bout, esthétiquement superbe, la mise en scène est soignée et suggestive, et l’on retrouve le goût de Johnnie To pour les ralentis et les inserts en gros plans.
L’une des grandes réussites vient de la photographie, composée par le chef opérateur Siu-Keung Cheng, à qui l’on doit récemment l’image du dernier volet de la saga Ip Man réalisée par Wilson Yip, et qui est plus largement l’un des collaborateurs majeurs de Johnnie To (The Mission, Judo, Election, Breaking News…)
Produit une nouvelle fois sous l’égide de Milkyway, la société de production de Johnnie To, Exilé est un pur chef d’œuvre, qui se rapproche par bien des aspects d’une réalisation à la Tarantino. Formellement très impressionnant, exaltant voire jouissif dans ses scènes d’action et ses gunfights à l’italienne.
Vite, vite, je dois découvrir le reste de sa filmographie !