Comme vous le savez probablement, je ne télécharge pas de films (ni autre chose d’ailleurs) et ce pour une raison très simple et bien supérieure à tous les principes du monde : je ne sais pas faire. Parfois je regrette presque au vu de ce choix qui s’offre ainsi à vous les jeunes débrouillards du clavier, voir enfin Thank you Jeeves, Big Leaguer, The Bat Whispers ou encore Dirigible… Si ça ne fait pas rêver quand même…
Ah et puis, avec tout l’argent que le CNC me vole à chaque fois que je vais au cinéma pour le refiler aux pires merdes subventionnées de notre cinéma de petits fonctionnaires national, parfois, rien que pour le principe, j’aimerais bien pirater un ou deux films français, histoire de retrouver mon compte, il me doit bien ça… Malheureusement, ça fait des années que je ne vois pas trop ce qui pourrait me tenter en la matière et ce n’est pas près de s’arranger…
Mais trêve de digressions en tous genres, je suis d’une autre génération, je regarde mes films au cinéma quand c’est possible et en DVD le reste du temps, profitant alors allègrement des services de la Bibliothèque municipale du coin lorsque j’ai la chance de vivre dans une ville civilisée qui l’a bien achalandée et à tarif modéré…
Pourtant, parfois, je dois bien vous l’avouer, certains soupçons me viennent, ne m’arriverait-il pas par inadvertance et de passage chez des amis peut-être moins scrupuleux et surtout moins maladroits de visionner ainsi sans le savoir quelques films virtuellement et frauduleusement importé par cette technologie incompréhensible qui me sert à vous raconter mes bêtises à l’instant même ?
Ainsi, dans le cas présent, quelques indices me turlupinent : Pour commencer, le site m’oblige à des circonvolutions inhabituelles pour donner ma note et je me rend compte que la date de sortie est postérieure à la date du jour et donc de visionnage, ce qui ne laisse pas de m’embrouiller un petit peu les pédales. En outre, certaines allusions fines et discrètes de la part de mes habitués en-dessous de ma note auraient pu me mettre la puce à l’oreille si je n’avais pas déjà eu le droit à des doutes plus massifs pendant la séance.
Car en effet, le film que j’ai vu n’est pas et ne peux pas être Expendables troisième du nom comme indiqué au générique.
Bien que peu familier d’une franchise que je commence étrangement par la fin et uniquement sous la raison de force majeure de visionner l’intégralité des films contenant mon petit Harrison d’amour, je sais tout de même vaguement à quoi m’attendre, c’est supposé être un film de studio avec quelques moyens et quelques tonnes de stars d’actioners 80s réunis miraculeusement pour le plus grand plaisir régressif du spectateur de ma génération dans un grand déferlement de punchlines d’anthologies et d’explosions débridées.
Et bien, d’emblée, on se rend compte que ce n’est pas le cas, il s’agit d’un fake malhabilement réalisé par un studio malin en vue de prendre au piège numérique quelques hurluberlus impatients de découvrir la merveille et qui doivent pour punition s’infliger le plus improbable film amateur qui soit avant de devoir patienter trois semaines comme tout le monde pour pouvoir découvrir le véritable film au cinéma.
Déjà, le fait de fuiter aussi facilement une copie aurait dû vous mettre en garde, délinquants juvéniles sans cervelle !
Moi très vite, j’ai bien vu que le gros vieux bonhomme avec le visage flapi qui conduit l’hélicoptère du début ne ressemble même pas vraiment à Stallone, mais j’ai eu un doute avec Jason Statham, d’un côté ça avait l’air d’être le vrai mais de l’autre, ça ne prouve rien vu que le bougre est habitué plus que nul autre au genre de direct-to-dvd moisis qui semble ici habilement parodié avec néanmoins plus de souci d’économie que de réelle puissance comique, au grand dam du spectateur. Et puis d’un coup, la gaffe, le faux-film nous montre un sosie de Wesley Snipes alors que les vrais amateurs savent bien que ce n’est pas possible puisque l’acteur est en prison… Une fois cette fallacieuse supercherie dévoilée, tout devient limpide : Arnie, cette grosse poupée gonflable avec un cigare incapable de prononcer deux syllabes d’anglais ? Mélou, ce méchant ridicule au masque fatigué qui n’a même pas l’élémentaire dignité de ressembler à son glorieux modèle ? Antonio, cette marionnette bavarde qui semble avoir oublié que s’amuser soi-même n’est pas gage d’être communicatif pour le spectateur ? Dolph, ce grand échalas crevassé entreposé dans un coin de soute humide ? Harrison, ce vieillard chenu au nez tordu à qui la production n’aurait même pas fait grâce d’un rôle digne de ce nom ? Allons-donc, mes amis, le piège est par trop grossier, personne ne marchera jamais dans ce défilé de visages botoxés à la ressemblance toute hypothétique qui ânonnent laborieusement trois blagues que ma grand-mère et ses petits camarades avaient déjà bannis du préau à la toute fin des années vingt.
Et puis d’abord, normalement, ce sont supposés être des vieux non ? C’est quoi cette troupe de jeunes merdouilleux fadasses jusqu’à l’évanouissement qui prennent tout l’espace alors ? En plus à part la gamine personne qui fait même semblant de savoir se battre, ce n’est pas bon signe. Trois figurants, quatre sosies en versions freaks et deux explosions que mon petit neveu sait probablement très bien rendre lui aussi avec le premier logiciel venu et un filtre probablement un peu moins dégueulasse que celui-là… Et vous croyez vraiment que c’est un film de cinéma, vous ?
Enfin reconnaissons que la manœuvre est amusante et soyons beaux joueurs, gageons que plus d’une de nos chères têtes blondes un instant égarées sauront retrouver après un tel avertissement le droit chemin qui mène aux salles obscures et profiter enfin de l’efficace blockbuster estival que ne saurait manquer d’être la véritable version d’Expendables troisième du nom.