Dumb et Dumber chez les français. Shit and shittier.
Ce film me gêne. Parce qu'il a essayé de faire plusieurs choses pas courantes pour du cinéma français. Il a essayé d'être surréaliste, il a essayé d'être méchant, bon esprit, buddy movie, road movie et de ressusciter Depardieu/Richard tout en essayant pas trop de faire pareil.
Clairement ce n'est ni très réussi, ni très drôle, ni très réjouissant. Mais ça essaie, ou en tout cas, ça donne l'impression d'essayer. Et c'est pour ça que ce film me gêne.
Selon moi, une scène est symptomatique du traitement calamiteux du film. La scène avec le personnage de Denis Menochet en Ezekiel éberlué dans sa chapelle roulante.
Elle est intéressant parce qu'elle porte en elle toute l'envie de faire un Mary à tout prix à la français, avec ses accents burlesques, voire violent. Ezekiel ressemble beaucoup à l'autostoppeur qui transportait un cadavre dans son sac. Sauf que le film ne parvient jamais à trouver l'équilibre entre humour noir et noirceur dérangeante. Dans la caravane d'Ezekiel, les deux personnages principaux s'en veulent tellement qu'ils se battent et échangent des coups. Le soucis encore une fois dans la violence des coups portés et dans le fait que le timing comique est mauvais, et ne permet pas de ressentir toute la porté grotesque de la chose. Ce n'est pas parce que c'est Dany Boon qui pisse le sang après s'être pris une flèche, que je vais rire.
Dans cette même scène, y'a Dany Boon qui essaie de décapiter Valérie Bonneton. Et c'est dramatique parce que c'est à la fois un très dangereux choix de scénario pour ce que ça signifie pour les rapports entre les personnages et parce que ça loupe totalement le coche de la comédie, que le film s'imagine chopper avec brillo et décalage.
Durant tout le film, les personnages de Dany Boon et Valérie Bonneton essaient de se nuir l'un l'autre. La surenchère l'emporte systématiquement sur le réalisme alors même que le point de départ, un couple de divorcé qui essaie d'arriver tant bien que mal au mariage de leur fille, est un point de départ qui ancre le film dans un système raisonnablement crédible. Les frères Farelly n'ont jamais essayé de rendre leurs personnages réalistes.
La disproportion notable entre les actes "Certes, j'ai détruis ta voiture, fait perdre ton permis dont tu as besoin pour vivre parce que t'es conducteur d'auto école et tu dois 25.000 euro de dommages et intérêts...." et les réactions des personnages " ....Mais c'est par pour ça que tu dois me faire la gueule!" (véridique)
A plusieurs reprises, les personnages commettent des actes, (tentative de meurtre, vol, crash en forêt, destruction et insultes qui font mal) que de véritables personnages cohérents avec cet univers ne devraient pas dépasser.
D'ailleurs lorsqu'ils se rendent au mariage de leur fille (malgré tout et en trichant copieusement avec la chance et le hasard par l'entremise malhonnête d'un scénariste manifestement sous l'emprise de stupéfiants) la scène de fin hyper guimauve est censée nous faire oublier que les êtres humains de ce film sont pas juste incohérents, ils sont immoraux, sadiques et insupportables.
Le problème majeur de ce film réside dans l'incapacité du spectateur de se fendre la tête en deux comme le font les personnages. Un personnage, pour qu'il soit cohérent, ne peut pas être à la fois un bugs bunny psychopathe et un personnage de film français lambda qui veut juste marier sa fille) parce que le spectateur va refuser l'identification.
et d'un façon général, rendre ses personnages insupportables ne permet pas d'apprécier le film.
Au bout du compte, je ne critique par les tentatives louables, bien hasardeuses et totalement ineptes de dynamitage de la comédie à la française. Le film est juste trop mal exécuté et écrit pour qu'une telle ambition passe pour autre chose qu'un complexe égocentrique de supériorité cinématographique.
Le film se prend pour autre chose qu'une comédie française de merde et se brûle les ailes à cause de cela.
En un sens, Dany Boon s'en sort beaucoup mieux avec une comédie honnête mais qui ne cherche pas à réinventer l'eau chaude, comme Bienvenue chez les Cht'is qui n'essaie jamais de changer quelque chose à la formule de base mais qui l'exécute très bien.
Avant d'essayer de faire des comédies innovantes aux personnages acides, les français devraient d'abord essayer d'en faire de meilleures. Mais apparemment, c'est pas gagné.