Depardieu n'en a finalement pas fini avec les bons rôles. La bonne nouvelle vient dans un emballage à sa mesure, une œuvre dont la grande portée sans arrogance coche beaucoup de cases. Elle ne vient pas non plus d'un artiste dont on pouvait l'attendre.
Martin-Laval est un acteur pas particulièrement notable qui est pourtant au cœur de la comédie à la française depuis le tournant du millénaire. Ayant réalisé sans briller quelques autres œuvres qui font cocorico très fort, c'est une surprise de le voir s'attaquer à un travail plus personnel et désintéressé à la fois. Il s'est en effet inspiré de l'histoire vraie de Fahim, motivé par la nécessité d'un hommage plus ou moins national à son aventure, et fut contraint par les normes invisibles du cinéma moral. Mais ça ne se verra pas.
Fahim arrive du Bengladesh avec son père en s'attendant à rencontrer un Grand Maître d'échecs ; ce qui arrivera, mais non sans qu'il découvre aussi la réalité de l'immigration. Sur un rythme à la régularité de métronome, Paris nous paraît soudain exotique comme à lui, mais ce n'est qu'un début. Le scénario sera à chaque instant rempli de tout : la passion de Fahim pour les échecs, les peurs de son père, les habitudes de ces personnages qu'on a quasiment presque tous pris la peine d'écrire un à un, tout cela entretient sans lourdeur une ambiance de poésie sociale à laquelle on se rend compte qu'on s'est trop habitué au cours des dernières années.
On reconnaîtra les travers d'un cinéma pas tout à fait délivré, affectionnant toujours de tirer sur la ficelle du rebondissement sportif, et ne pouvant se retenir de mettre quelques caricatures ni d'aller trop loin dans la dérision des situations les plus graves – celle du père aurait dû navrer ou énerver, mais on finit par rire de ses bourdes et de ses incapacités à s'intégrer malgré le maternalisme génial de Nanty, ce qui est dommage. Ce sera un moindre mal relatif comme on pourra profiter d'interprétations pleines de cœur qui met à l'honneur les petits gestes comme les grands.
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