Alexandre Soukourov a souvent interrogé le Pouvoir en exposant les figures historiques l'exerçant dans la banalité de leur quotidien, en les serrant de près, en les réduisant à leur état d'être humain. Êtres humains dont pourtant les actes et les décisions ont des conséquences sur l'existence de millions d'autres. Dans Fairytale, on a toujours cette interrogation, mais, cette fois, dans le monde des morts. Eh oui, on suit quatre dirigeants, liés à la Seconde Guerre mondiale, à savoir Churchill, Hitler, Mussolini et Staline, qui errent dans le purgatoire, en attendant leur jugement dernier, en se ressassant des anecdotes, en se confessant, en exposant des arguments pour défendre leur vision. Là, on les suit dans leur banalité de mortels décédés...
Le noir et blanc est de mise. Il y a de la brume partout. Les décors s'inspirent de l'esthétisme du graveur Piranèse. L'ensemble recourt à des images d'archives et à des incrustations numériques pour que ce soient les "véritables" acteurs cités précédemment qui jouent leur propre rôle, du moins sur le plan visuel, vu que la plupart du temps leur voix est assurée par des comédiens. Toujours, généralement, dans la langue des principaux concernés. Ainsi, l'allemand, le géorgien, l'italien et l'anglais se côtoient. Parfois, le français, quand Napoléon Ier daigne discuter avec nos protagonistes.
L'exercice de style est original, créatif, intrigant et attirant, mais il faut bien reconnaître qu'il aurait bien mieux tenu sur la durée d'un court-métrage. Sur quatre-vingts minutes, le scénario, par l'intermédiaire des dialogues échangés, a tendance à juste se résumer aux anecdotes, aux confessions et aux arguments, susmentionnés. Ce qui donne rapidement une sensation de radotage, provoquant l'ennui.
Ce n'est que vers la fin que le réalisateur tente autre chose à travers le déversement d'une foule, sous la forme d'une masse brouillée, fantomatique, informe, glorifiant leur chef. Cette séquence a le mérite de sortir le spectateur de sa torpeur et d'éviter de le retrouver endormi sur son fauteuil, une fois la projection terminée.